dimanche 25 juillet 2021

William Marx - Des étoiles nouvelles

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William Marx 

Des étoiles nouvelles 

Ed. Minuit 


Il peut être judicieux, avant d'entrer dans le vif du sujet, de reporter ici un poème de José-Maria de Heredia intitulé "Les Conquérants" et daté de 1869 ou, plus judicieux encore, de commencer par en présenter brièvement l'auteur. Né à Cuba en 1842 et naturalisé français en 1893, l'homme de lettres est l'un des maîtres du Parnasse, un mouvement poétique de la seconde moitié du XIXème siècle. Son unique recueil, Les Trophées, dont les cent-dix-huit sonnets retracent l'histoire du monde, lui offrira la notoriété dans les milieux littéraires parisiens. Il sera élu à l'Académie française en 1894 avant de décéder onze années plus tard.

"Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

Ou, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles."
Ce sont les derniers mots de ce poème qui donnent son titre à l'ouvrage de William Marx. S'inspirant de la thématique du recueil de Heredia, l'essayiste, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire de Littératures comparées, s'interroge sur notre connaissance du monde et sur la manière dont la littérature a participé de sa découverte. Il invite le lecteur à lever le nez au ciel, à regarder les étoiles et à se questionner sur son rapport à l'univers. Pour se faire, il s'appuie autant sur la littérature que sur la cartographie, la bande-dessinée, la peinture, le cinéma ou encore les éditions de Minuit dont le logo est illustré d'une... étoile.
 
Captivant et érudit, William Marx offre à son livre une dimension poétique et une grande sensibilité. Pourtant, il n'hésite pas à confronter la poésie au réel, en rapportant notamment le courrier d'un capitaine de frégate qui s'interrogeait en 1905, via le feuilleton littéraire du Temps, sur la pertinence du dernier tercet du poème de Heredia :
"Lorsque, en mer, vous regardez l'occident, vous voyez les étoiles disparaître, mais c'est de l'autre côté que vous les voyez sortir de la mer."
Plusieurs autres lettres parviendront pour discuter de ce "détail" - le fait que les caravelles partant à la conquête de l'Amérique faisaient route à l'ouest et ne pouvaient, de fait, découvrir des étoiles nouvelles. L'histoire de cette correspondance est aussi improbable qu'inspirante, à l'image des "errances et divagations" qui conduisent de Marcel Proust à Hergé, d'Albrecht Dürer à Lars von Trier, de Caspar David Friedrich à George Lucas, et qui constituent cet essai passionnant, issu de la première année d'enseignement de l'auteur au Collège de France.

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