Iván Repila
Le Puits
Ed. Multisonor
Durant des années, le "Feuilleton" signé par Éric Chevillard dans Le Monde des Livres a été une mine de conseils avisés. Une mine, voire un puits. Parmi d'autres, une référence a notamment retenu toute mon attention, celle d'un ouvrage de l'espagnol Iván Repila, traduit en français chez Denoël avant d'être porté à l'oreille par les éditions Multisonor - une maison que je découvre avec ce titre et dont je retiendrai le choix des comédiens, la qualité de l'enregistrement, de l'habillage sonore, et la production en général. Quant à ce conseil d'Éric Chevillard, j'ai bien fait de le suivre !
Ce court roman nous plonge au fond d'un puits. Deux frères y sont tombés. Comment ? Dans quelles circonstances ? On l'ignore. Ce qui est sûr, c'est qu'ils y sont coincés. Sept mètres les séparent de la sortie. C'est beaucoup. C'est trop. Après avoir tenté de grimper, d'escalader, de se lancer l'un l'autre, ils font face à l'évidence : ils vont rester là un moment. Le temps passe, la soif et la faim se font sentir, vaguement comblés par l'eau bouseuse dans laquelle ils pataugent, par les insectes et les racines qui tapissent le sol et les parois de leur prison. Et pourquoi refusent-ils de toucher au sac de nourriture qu'ils ont en leur possession, rempli de fromage, de pain, de figues ? Pourquoi ? Patiente… Le lecteur aura les réponses à ces questions lors de la chute de cette histoire incroyable. Incroyable et folle. Car la folie est au cœur de ce récit viscéral, organique, et totalement traumatisant. La folie mais également la fraternité, bien sûr ! Ces deux frères, dont nous ignorons les noms, n'auront bientôt plus que leur fraternité à laquelle se raccrocher. Pour ce qu'elle vaut. Car ils s'aiment et se détestent, se câlinent et se frappent, se soutiennent et se rejettent. Des frères, quoi. Des frères que ce huis-clos pousse à l'excès dans leur relation et qui les renvoie ou les réduit à leur rôle de Grand et de Petit.
Partagés entre l'espoir de sortir de ce trou et la crainte d'y rester, incertains quant à ce qui les attend dehors, ils sombrent doucement dans un état second. La langue parvient magnifiquement à évoquer ce glissement. Alors que les jours se suivent, se ressemblent et se confondent, certains passages, étranges, déroutants, les voient s'égarer, leur corps se dégrader et leur esprit céder à la confusion. Ils ruminent des idées insensées, reproduisent une routine absurde, perdent la notion du temps. Mus par une volonté hors du commun, ils tiennent bon. Mais pour combien de temps ?
C’est tentant et tu donnes envie de le lire, mais ça a l’air d’une tristesse indescriptible .
RépondreSupprimerPlombant, c'est le mot.
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