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mardi 28 janvier 2020

Agota Kristof - La Trilogie des jumeaux

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Agota Kristof 

Le grand cahier, La preuve et Le troisième mensonge 

Ed. Seuil 


En 1986, 1988 puis 1992, Agota Kristof, auteure d'origine hongroise, de nationalité suisse et de langue française, signait les trois volumes de la « Trilogie des jumeaux » dont voici, avant d'entrer dans le vif du sujet, un résumé succinct : 

Le grand cahier 

Durant la guerre, deux frères, des jumeaux, Lucas et Klaus, sont emmenés à la campagne et confiés à leur grand-mère. Le père est au front et la mère ne peut les élever seule, surtout dans une ville bombardée en permanence. Leur aïeule est mauvaise comme la peste, avare, sale, mesquine mais eux sont deux et soudés. C'est dans cet environnement hostile qu'ils vont se construire. On réalise rapidement que, à leur façon, les enfants sont aussi horribles que la vieille. 

La preuve

Les années ont passé et les jumeaux ont été séparés. Ce deuxième opus propose de suivre Lucas, resté seul dans la maison de la grand-mère. Il y élève l'enfant difforme d'une jeune femme, s'en éprend d'une autre, reprend la librairie de la ville et attend le retour de son frère. Pendant ce temps, il complète le grand cahier entamé des années plus tôt et dans lequel Klaus et lui rapportaient leur quotidien en respectant une contrainte d'objectivité absolue. 

Le troisième mensonge 

Encore des années plus tard, alors que son frère vient d'en partir, Klaus revient en ville et se fait incarcérer, empêtré dans un bourbier administratif. Se retournant sur ses souvenirs de jeunesse, il en raconte une version inattendue qui remet en perspective ce que l'on vient de lire dans les deux premiers volumes. Alors, en même temps que le titre de ce troisième livre, la trilogie prend tout son sens… 

La Trilogie d'Agota Kristof est une œuvre déroutante à plus d'un titre. Déjà car le ton est violent, cru - au point d'ailleurs d'avoir été à l'origine d'une polémique stérile dans l'éducation nationale – et que le contenu ne l'est pas moins. Certains passages sont assez déstabilisants et les relations entre les personnages est étrange, voire malsaine. 

Ensuite car l'auteure laisse souvent planer le doute sur différents aspects de l'histoire, ce qui créé une ambiance généralement floue qui empêche le lecteur de s'en faire une idée précise. On ignore de quelle guerre il s'agit, à la frontière de quel pays se situe l'action et on ne sait jamais où placer le curseur des faits et de la vérité. Les jumeaux ont beau accorder une place capitale à la notion d'objectivité, ils ne sont paradoxalement pas à un mensonge près. 

Enfin, Lucas et Klaus – ou Klaus et Lucas, ça n'a pas d'importance - sont totalement interchangeables. La narration du Grand Cahier est à la première personne du pluriel, sans qu'on sache jamais lequel des deux s'exprime. Puis, et c'est un coup de maître, on en vient, une fois qu'ils sont séparés, à se demander s'ils sont réellement deux ou si l'un d'eux – mais alors lequel ? - n'a pas totalement imaginé l'autre...

Déroutant, en effet. Voire perturbant. Mais tout simplement brillant. Ces trois livres sont singuliers et servis par une langue à la fois brute et aiguisée, sans fioriture, qui va à l'essentiel et touche là où il faut. Une lecture qui pourrait bien être indispensable et au sujet de laquelle je ne vois pas ce que je pourrais rajouter.

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