jeudi 10 août 2023

Patrick O'Brian - Maître à bord

Patrick O'Brian 

Maître à bord 

Ed. Presses de la Cité 

 
Patrick O'Brian Maître à bord presses cite pocket
Passionné pour les bateaux mais contraint de renoncer à son désir de s'engager dans la Navy du fait d'une santé fragile, c'est finalement par le biais de la littérature que Patrick O'Brian expérimentera la haute mer. En effet, dans les années 60, alors qu'il a déjà publié quelques romans, son éditeur lui conseille de se lancer dans une épopée maritime. Comme d'autres avant lui et d'autres après, il ira puiser son inspiration dans la biographie de Lord Thomas Cochrane, le fameux amiral écossais à la réputation ambiguë mais salué pour ses talents de tacticien et ses compétences de navigateur. Sous sa plume, ce modèle deviendra un certain Jack Aubrey, personnage principal d'une série classique et très populaire à laquelle le romancier britannique consacrera une vingtaine de volumes et qui assurera sa notoriété. Mais le capitaine ne sera pas seul à l'affiche puisqu'il la partagera avec Stephen Maturin, son meilleur ami, médecin, naturaliste, et, à mon sens, réelle vedette de ce que l'on nommera par la suite Les Aubreyades.

Ce premier roman s'ouvre durant les guerres napoléoniennes. Jack Aubrey, fraîchement promu lieutenant de vaisseau et capitaine du Sophie, fait la connaissance de Stephen Maturin, qu'il engagera comme médecin de bord. Comme celui-ci n'a aucune connaissance maritime, les autres personnages lui exposent au fil des pages le fonctionnement d'un navire de guerre, prétexte tout trouvé pour, d'une pierre deux coups, informer le lecteur. Dans ce domaine, l'auteur se fait plaisir et n'écarte aucun détail.
"Écouter un homme qui prend autant son métier au sérieux, c'est un véritable plaisir. Vous êtes très précis, monsieur."
Et, il faut le reconnaître, il est précis. Tout y passe, de la proue à la poupe, en passant par les gréements, les mats, les vergues.
"- Peut-être devrais-je d'abord vous expliquer les vergues, non ?
- Peut-être bien...
- C'est très simple.
- J'en suis ravi."
Oubliez les vergues. Avec ses cent cinquante tonneaux, ses quatorze pièces et sa centaine d'hommes à bord, le sloop prend la mer, chargé d'une mission simple : escorter des navires marchands. Le voyage, qui ne se fera pas sans encombres, permettra à Patrick O'Brian de mettre ses personnages en scène et de les développer. Le capitaine brille rapidement par son manque de crédibilité et de charisme. Ses qualités sont dissimulées derrière ses nombreux défauts et le fait que ses subalternes voient en lui quelqu'un de "pas très malin" et doté d'une "conception simpliste du monde" ne joue pas en sa faveur. Alors qu'il lui arrive de se tourner en ridicule, notamment quand une bourrasque emporte sa perruque et le laisse le crâne dégarni devant son équipage, il se fait voler la vedette par Maturin, d'autant plus que, découvrant avec celui-ci ce monde codifié et très particulier, le lecteur s'y identifie plus facilement.
 
Mon sentiment concernant ce premier volume de la série est mitigé et les protagonistes n'en sont pas les seuls responsables. La langue est élégante et certains passages sont hautement littéraires mais, visiblement soucieux de resituer l'action dans son contexte et de ne rien laisser au hasard en ce qui concerne le réalisme maritime, Patrick O'Brian se disperse parfois dans sa narration. Ainsi, il arrive que les digressions techniques nuisent à l'harmonie de l'ensemble et aillent jusqu'à entraver la lisibilité des batailles navales. Les scènes qui devraient êtres les plus captivantes deviennent alors les plus longues.

La trame s'intensifie heureusement sur la fin et le personnage de Jack Aubrey finit par gagner en nuance et en subtilité, en particulier lors de la scène finale. Par conséquent, après avoir d'abord éprouvé une déception à la hauteur de mes attentes, je pense que je vais tout de même aller vérifier dans le volume suivant, Capitaine de vaisseau, s'il est raisonnable d'arrêter là mon jugement. On verra si, au contraire, la suite donne raison au New York Times qui qualifiait Les Aubreyades de "meilleur roman historique jamais écrit". Affaire à suivre, donc.

8 commentaires:

  1. Bonjour,
    Pardon d'apporter un peu la contradiction, mais c'est justement la précision technique qui donne à la suite des aventures de Jack Aubrey un charme que n'arrivent pas à atteindre ceux d'Alexander Kent, sans compter, comme vous le relevez, le style soigné d'O'Brian. On arrive, si on s'y laisse prendre, à cette espèce de charme de l'énumération propre à Verne dans un autre domaine... Le fait, également, que l'auteur ne verse pas dans des enfilades de batailles à n'en plus finir rend la série (5 volumes en Omnibus) d'autant que nous avons en parallèle un récit d'espionnage bien tourné, grâce au compagnon d'Aubrey, Mathurin. Après, il faut reconnaître que le roman maritime a toujours été à part. Bon, je m'y suis laissé prendre, puisque j'en suis à la troisième lecture de la série entière...

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    1. Je vais creuser un peu plus ce filon. Et, va savoir, j'en viendrai peut-être un jour à relire trois fois cette série !

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    2. À la réflexion, je pense que toute la série Jack Aubrey constitue un seul roman dont chaque volume serait un chapitre. L'effet de sidération et l'attachement surviennent au bout d'un moment.

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    3. Raison de plus d'appronfondir cette œuvre !

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  2. J'avais lu les deux premiers livres de la série. C'était il y a plus de 20 ans et je ne sais pourquoi j'e n'ai pas continué. Disponibilité, ennui... ?! Mais merci de me faire retrouver ma jeunesse. lol

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  3. J’aime bien le roman maritime. Conrad entre autres. Connaissais pas cet auteur.

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    1. De ce que j'en ai lu pour l'instant, ça ne vaut pas les aventures du Capitaine Hornblower (que je te conseille).

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