mardi 16 avril 2024

Philippe Jaenada - Sans preuve et sans aveu

Philippe Jaenada 

Sans preuve et sans aveu

Ed. Mialet Barrault 


Dans le monde de la littérature, Philippe Jaenada assume depuis quelques années le rôle d'avocat de la défense. Et il faut reconnaître qu'il est plutôt bon, même si son livre précédent, Au printemps des monstres, montrait certaines limites à cet exercice. Mais alors qu'il semblait vouloir prendre ses distances avec la robe, le voilà ramené à la réalité par une rencontre. Le coup du sort ?

Philippe Jaenada Sans preuve et sans aveu Mialet Barrault
Cette rencontre, c'est celle d'Alain Laprie, peu de temps avant son incarcération pour le meurtre de sa tante, Marie, retrouvée assassinée dans sa maison en proie aux flammes. Malgré l'absence de preuve et d'aveu, les soupçons se portent rapidement sur le "neveu préféré" de la vieille dame. Jugé puis acquitté en première instance, le coupable présumé écope finalement, en appel, d'une peine de quinze ans de réclusion. Il est aujourd'hui derrière les barreaux.
"Connaître le nom du meurtrier (ou de la meurtrière, pourquoi pas ?) de Marie n'a aucune importance pour moi - pour la famille si, bien sûr, pour la justice évidemment - et ce livre n'a même pas pour intention (malgré les apparences, je crois) d'essayer de montrer qu'Alain Laprie est innocent du crime pour lequel on l'a condamné(...)."
Le projet de Philippe Jaenada n'est donc pas de faire sortir Alain Laprie de prison. D'ailleurs, c'est impossible car il n'y a aucun recours possible à la cassation. Son projet est simplement, si je puis dire, de démontrer que le suspect n'a jamais été présumé innocent (ce que les gendarmes et les juges d'instruction n'ont pas même envisagé) et qu'il n'a pas été correctement jugé. Son livre est donc un plaidoyer pour la justice, ni plus ni moins.

L'auteur annonce d'emblée que, contrairement à son habitude, il ira droit au but. "(Au placard, digressions et parenthèses !)" Effectivement il tient globalement sa promesse et voit à la baisse l'emploi de son signe typographique favori. Dommage. De même, il ne digressera presque pas ni ne fera preuve de l'humour qui fait sa marque de fabrique. Re-dommage. Ainsi, le livre est court, sérieux, va à l'essentiel et relate les évènements à l'économie de moyens littéraires. Il faut dire que le sujet est grave. La vie d'un homme est en jeu. Celle de sa famille également. Et, au-delà de ça, ce sont les fondamentaux de la justice qui sont dans la balance.

Faisant fi du superflu, il revient donc sur les déclarations, les dossiers, les témoignages, les analyses, les expertises. Sur des faits. Et en à peine 250 pages de concret et de déductions frappées au coin du bon sens, il met le doigt sur un nombre impressionnant d'incohérences, d'invraisemblances et d'approximations. De fait, il est difficile de croire, à la lecture de cette passionnante enquête, que le condamné, qui clame pourtant son innocence et contre lequel, rappelons-le, il n'y a pas plus de preuve que d'aveu, puisse être coupable. Par conséquent, il est difficile de croire qu'il ait pu être correctement jugé. Mission accomplie pour l'avocat de la défense.

Malheureusement, pendant ce temps-là, Alain Laprie est toujours à l'ombre.

6 commentaires:

  1. C'est sans doute très intéressant, mais un Jaenada sans parenthèses et digressions, ce n'est pas vraiment un Jaenada.. du coup, je ne suis pas tentée.

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    1. Je dois reconnaître que ses tics d'écriture manquent un peu.

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  2. Je ne note ,j’avais bien aimé l’auteur.
    Sur les rouages de la justice j’ai lu aussi ”Le témoin ”de Joy Sorman.
    Intéressant, une plongée dans la justice et ses dysfonctionnements.

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    1. Ce livre est vraiment intéressant mais sans doute un peu trop abrupt dans la forme.

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  3. Une bonne petite piqûre de rappel comme quoi il faut que je lise Jaenada! Même quand il n'est pas au sommet, ça a l'air bien.

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