jeudi 22 novembre 2018

Richard Brautigan - Un privé à Babylone

Richard Brautigan Un privé à Babylone Christian Bourgois

Richard Brautigan 

Un privé à Babylone 

Ed. Christian Bourgois 


Babylone n'est pas que la ville antique de Mésopotamie dans laquelle se situaient les mythiques jardins suspendus. C'est également le refuge de Crade, le lieu dans lequel ce détective privé désabusé se retire quand son quotidien devient trop concret. Dans ce havre, il mène la vie qu'il ne peut que rêver : il est riche et célèbre, son nom est peint sur la porte de son somptueux bureau et il est assisté d'une belle secrétaire. Alors qu'à San Francisco, en 1942, il n'a ni crédibilité ni argent, il en doit d'ailleurs à tous ceux qui l'entourent, il n'a pas de bureau, pas de secrétaire et ne peut pas même s'offrir de balles pour garnir son inutile revolver. Et c'est bien ce dernier point qui pose problème au début du roman. Car pour une fois qu'il dégote une affaire, il a besoin d'une arme chargée.

Uniquement composé de très courts chapitres (en une ou deux pages), Un privé à Babylone est un monument de la contre-culture, un livre qui s'affranchit des genres, parodie volontiers le roman noir et fleure l'improvisation. On se demande parfois si l'auteur sait où il nous emmène tant son intrigue est foutraque, décousue et fantasmée. Ses personnages sont totalement dingues, à commencer par Carde, un type indolent et poissard qui fuit son existence miteuse à Babylone. Malheureusement, si ses séjours l’oxygènent et l'aident à affronter le monde réel, ils sont la cause principale de sa situation déplorable. Car le temps qu’il consacre à Babylone en est autant qu’il n’investit pas dans la vraie vie. Mais on peut comprendre qu'il cherche une échappatoire : impliqué dans une sordide histoire de vol de cadavres, il enchaîne les rencontres improbables - une femme mystérieuse qui boit des bières sans jamais aller aux toilettes, quatre noirs armés de rasoirs, une mère rancunière, le pervers employé de la morgue, la prostituée avec un trou dans le dos ou encore le sergent sadique.

Ce roman de Richard Brautigan, poète de l'absurde, pionnier de la Beat Generation et icône du mouvement hippie, est diablement inventif et faussement léger. Ses réparties sont grinçantes, le ton est cynique et pourtant c'est drôle. C'est un livre qui frappe juste et se lit cul sec, moins pour la rigueur de son intrigue que pour son caractère résolument désopilant.

2 commentaires:

  1. J'ai lu un seul livre de cet auteur et il m'a laissé à peu près la même impression : http://sfemoi.canalblog.com/archives/2015/05/15/32056946.html

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    1. C'est marrant, je n'avais pas lu ton article et je découvre à sa lecture le nombre d'adjectifs communs ! Deux titres différents mais, effectivement, une impression similaire...

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