mercredi 12 février 2020

Alain Berthier - Notre lâcheté

Alain Berthier Notre lâcheté Le Dilettante

Alain Berthier 

Notre lâcheté 

Ed. le dilettante 


Si le choix des éditions le dilettante est rarement le mien en ce qui concerne les romanciers contemporains, je m'y retrouve complètement dans leur sélection d'écrivains morts. À un catalogue riche de pointures telles que Calet, Forton, Chevallier ou encore Vialatte, on peut maintenant rajouter le nom d'un fameux inconnu, auteur d'un unique livre, Notre lâcheté, initialement paru en 1930 aux éditions Au sans pareil.

Ce roman, véritable concentré d'énergie du désespoir, est le long monologue cynique et pessimiste d'un homme terne, tellement transparent qu'il ne porte pas de nom. Son quotidien se partage entre affliction ou désolation et, trop inerte pour seulement songer à changer les choses, il survit par défaut. Celui qui épanche sa misère auprès d'occasionnelles filles de joie et traîne ses guêtres sans objectif précis rencontre, contre toute attente, une femme, Paule. Trop lâche pour aller au bout des choses et trouvant à peine la force de battre cette épouse qui ne vaut pas mieux que lui, il s'enfonce avec elle dans une relation toxique où, rivalisant de bassesses et de perfidie, chacun entretient volontiers le malheur de l'autre, en attendant la délivrance...

Notre lâcheté est un roman sordide et cruel qui élève avec style la noirceur au rang des beaux arts, un diamant pour les amateurs de littérature dépressive. Autant dire que j'ai adoré !

Et, après avoir surligné la quasi-intégralité du texte, je ne résiste pas à l'envie et au plaisir d'en reporter deux courts extraits :
"Je mine de ma faiblesse, de mes peurs, de mes incertitudes ceux qui me font confiance. Les conseils que je donne les perdent, parce que je suis faible, mou, impur, incapable de suivre une ligne droite, et dépourvu de cette chaleur à vivre qui vous met au-dessus des événements. Et parce que je ne cherche, au fond, que mon repos et un divertissement à mon propre ennui.
Mais on s'accroche à moi, car j'ai le malheur d'être pitoyable, comme tous les êtres nerveux et sensibles." (page 28)
"La pitié me dégrade. Elle tue en moi toute bonté, toute générosité ; et le sens de la justice. Elle me force à mentir, à ramper. Elle attise ma fourberie, ma lâcheté et un grand désir de haine. Car, si elle m'a rendu méchant, elle m'empêche de l'être avec franchise. "(page 66)

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