dimanche 5 juillet 2020

Margaret Mitchell - Autant en emporte le vent

Margaret Mitchell

Autant en emporte le vent 

Ed. Gallmeister


Alors que l’œuvre de Margaret Mitchell tombe dans le domaine public et qu'il paraît une nouvelle traduction de son fameux roman, j'ai vu une belle occasion, en me plongeant dans ce classique, de faire d'une pierre deux coups : combler une vieille lacune et tenter de mieux comprendre la polémique de sa recontextualisation.

Avec son unique roman, publié en 1936, Margaret Mitchell n'a pas fait pas les choses à moitié : 1500 pages pour une ample histoire d'amour sur fond de vaste fresque historique. L'action se situe en 1861 et met en scène Scarlett O'Hara, une jeune femme riche et gâtée qui vit dans une famille dirigeant une plantation de coton du sud des États-Unis. Amoureuse d'Ashley, elle est bouleversée quand, au début du livre, elle apprend qu'il en épouse une autre, Mélanie. Elle se promet alors qu'elle le récupèrera, par n'importe quels moyens. Mais les choses de la vie, surtout la Guerre de Sécession, font qu'elle devra plutôt protéger sa rivale que lui prendre son mari, parti se battre pour la cause sudiste.

Certes, le livre brosse le portrait d'une jeune femme acquise à la cause, élevée dans la culture sudiste, entourée d'esclaves, trop choyée et trop formatée pour remettre en question son éducation ou cet aspect de la société. Ainsi, elle ne s'interroge pas sur la condition des noirs, la dénonce encore moins, et voit comme une normalité le rapport de domination que les blancs entretiennent avec ceux-ci. Mais, alors que c'est justement ce point qu'il m'intéressait de soulever, ce n'est pas ce que je retiendrai du livre ni même ce qui m'a le plus interpelé.

Je crois qu'il y a finalement autant à dire, voire plus, sur l'image de la femme. Scarlett, qui a été "élevée dans la tradition selon laquelle les hommes étaient omniscients et les femmes loin d'être intelligentes", cherche à contrôler son destin, à une époque où elle est supposée ne pouvoir s'accomplir que dans la maternité et la bonne tenue d'un intérieur. Mais elle refuse les contraintes du veuvage, elle veut travailler, gagner sa vie, se prendre en main et elle a volontiers recours aux mêmes travers que les hommes, qu'elle n'hésite pas à remettre à leur place pour s'imposer. C'est d'ailleurs ce qui explique qu'elle finit par être si mal vue de ses concitoyens, hommes et femmes, et qu'elle est la seule à pouvoir tenir tête à Rhett Butler, un célibataire mystérieux, opportuniste, imprévisible et à la réputation houleuse.
"Je vous aime Scarlett, parce que nous sommes si semblables, des renégats, tous les deux, et d'égoïstes fripouilles. Nous nous moquons éperdument l'un et l'autre que le monde aille à vau-l’eau tant que nous sommes à l'abri et que nous vivons dans l'aisance."
En dressant le portrait d'une femme émancipée qui se bat et s'affirme, le livre renferme un discours féministe hautement subversif qui m'a d'autant plus séduit que je ne m'y attendais pas.

En revanche, ce à quoi je m'attendais, et en quoi j'ai été copieusement servi, c'est le fond historique. Le roman fait revivre certaines des personnalités qui ont marqué le cours de la Guerre de Sécession et en reconstitue avec précision les grandes heures. Il apporte de précieuses informations sur son contexte et son déroulement, ses enjeux et ses conséquences, l'évolution de la politique, les bouleversements sociaux, ou encore l'impact sur l'industrie et l'économie. Mais surtout, en insistant sur les traumatismes de la guerre et la manière dont elle a pu être vécue par les populations civiles, il la rend totalement immersive et lui donne une impression de fin du monde, entre scènes d'apocalypse et descriptions dantesques.

Et dans ce décor, d'abord assez caricaturaux, les personnages d'Autant en emporte le vent s'affinent et se complexifient jusqu'à devenir parfaitement nuancés. J'ai donc à la fois adoré et détesté Scarlett et Rhett, d'excellents protagonistes qui se démènent dans une œuvre d'une haute portée romanesque pour laquelle je me suis passionné et qui a su toucher le petit cœur tout mou qui palpite quelque part par ici. Là. Oui, là.

Et pour faire le point sur ce challenge, c'est ici.

9 commentaires:

  1. La fin de ton billet (au demeurant, très intéressant, avec ce que tu soulignes concernant l'aspect féministe et l'immersion historique) m'a bien amusée �� !
    J'ai lu ce roman il y a bien longtemps, dans sa première traduction : un gros pavé écrit petit (je l'ai encore, il était à ma mère, qui l'avait relié dans un beau cuir rouge), que j'avais dévoré. Ton billet affermit mon envie de le relire (mais je ne sais pas quand) dans cette nouvelle traduction.

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    1. Ça pourrait être l'occasion, si le texte est encore frais dans ta mémoire, d'en comparer les traductions. Apparemment, les écarts sont significatifs.

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  2. Intéressant, merci pour cette dose de savoir. Place au film maintenant pour comparer ? ^^

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    1. Je plussoie, le film, le film.
      Mais un grand merci pour ce retour, je pense que je me serai pendu pas mal de fois durant cette lecture, ton réumé me suffit amplement et je vais pouvoir recracher mon savoir lors d'une prochaine soirée mondaine.

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    2. A votre service, les amis !

      Et je verrai certainement le film un jour ou l'autre !

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  3. Un peu surprise, je te l'avoue, de trouver ce titre par ici, et peut-être encore plus surprise d'avoir une furieuse envie, après la découverte de ton billet, de le lire !

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    1. Pour être honnête, moi aussi je suis un peu surpris... Mais j'ai besoin de varier les plaisirs de temps à autres. Ma manière à moi de vivre dangereusement !

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