mercredi 2 juin 2021

Gaston Chéreau - Le monstre et autres nouvelles

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Gaston Chéreau 

Le monstre et autres nouvelles 

Ed. L'Arbre Vengeur 


Pour les recueils, je ne crois pas qu'il soit toujours pertinent de faire une présentation exhaustive de chaque nouvelle dont il est composé. Et, dans ce cas précis, je dirais même qu'un inventaire de détails serait bien moins éloquent qu'une impression générale. Commençons donc par prendre un peu de hauteur.

Gaston Chéreau est un journaliste de la première moitié du vingtième siècle, homme de lettres, membre de l'académie Goncourt - de ce fameux millésime qui n'a pas récompensé Céline en 1932 - et également photographe. Le mieux pour cerner l'homme est encore de jeter un œil aux dédicaces que l'on trouve en tête de chaque nouvelle de ce recueil - de Léon Werth, romancier, essayiste libertaire et dédicataire du Petit Prince, à Henri Duvernois, auteur d'une comédie dramatique existentielle, en passant par Léon Blum, qu'il ne me semble pas utile de présenter, et par quelques inconnus, illustres ou non en leur temps. Loin d'être anecdotiques, je crois au contraire que ces dédicaces sont très révélatrices. Révélatrices d'une époque, d'un contexte et d'une personnalité.
 
Auteur d'une littérature du terroir, Gaston Chéreau affine cette veine jusqu'à en produire une variation agraire. Car, plus que de considérations régionalistes, c'est bien du monde paysan qu'il est question. Des femmes et des hommes du cru. L'auteur leur donne la parole, les met en scène dans tout ce qu'ils ont de plus rustique, de plus bourru, de plus authentique, de plus horrible. En effet, ces femmes et ces hommes n'en sont pas. Ce sont des monstres. Pas n'importe lesquels : des monstres ordinaires.
 
Avec de tels personnages, méchants, buttés, violents, envieux, cruels, Gaston Chéreau ne vous incite ni à avoir foi en l'humanité, ni à croire en votre prochain. Pourtant, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une version champêtre de nous-même. Les pieds dans la fange et menant une existence de misère, ces monstres nous ressemblent...
"- Berniaude, c'est-y toué qu'à point fermé les poules à la nuit ?
- J'ai-t-il point fermé les poules, nout' maîtresse ?
- D'hasard ! À c'matin, all' étion'ouvertes. J'aime point ça... Ha ! pendant que j'y pense : t'engraisses, t'engraisses !... Te v'là quasi plus grousse que l'Maître ! J'aime point ça non plus ! Y a un moyen : travaille plus fort et mange pas tant."

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