Joseph O'Neill
La Terre sous l'Angleterre
Ed. L'Arbre Vengeur
D'après Guy Costes, le préfacier de la présente édition et accessoirement la référence incontestée en matière de Terres creuses et de mondes souterrains, il y aurait plusieurs interprétations possibles quant au roman de Joseph O'Neill : fasciste ? Anti-fasciste ? Les spécialistes n'accordent pas leurs violons sur la société imaginée par l'auteur irlandais et sur le discours politique qu'il véhicule. Et si je tranchais pour eux ?
Plantons déjà le décor. Nous sommes dans le nord de l'Angleterre, au pied du mur d'Hadrien. Pour rappel, cette fortification de pierres fut édifiée environ un siècle avant notre ère par l'empereur romain pour séparer l'empire des terres barbares. On raconte dans la famille du personnage principal qu'il existerait un passage menant à un domaine souterrain habité par les descendants des bâtisseurs du mur. Le dernier à s'y être rendu serait parti avec les documents et les cartes. Il n'est jamais revenu - l'emplacement de l'entrée a donc disparu avec lui. Alors que son père, qui a cherché toute sa vie à retrouver le passage, s'est volatilisé à son tour, le narrateur décide de tenter l'aventure sur les traces du vieil homme.
Je vous passe le début du périple, les ténèbres, les hostiles créatures géantes, la descente d'une rivière souterraine sur un radeau de fortune... Venons-en à ce qui nous intéresse vraiment : le peuple qui vit là depuis d'innombrables générations ! Les premières personnes que le narrateur rencontre sont inertes, désolantes de vacuité. On comprend rapidement qu'elles vivent sous le contrôle d'une élite qui les a débarrassés de tous leurs "éléments contradictoires", qui a dérobé leur vie et leur flamme intérieure. D'après le dirigeant de cette élite, qui se fait appeler le "Maître du Savoir", pas moins, les hommes sont égaux et aucun n'a d'importance. Tous vivent dans la foi et la joie, tous aiment ce qui ne peut pas mourir, non pas eux-même ou leurs semblables mais quelque chose de grand et de durable dont ils jouissent tous.
"Oui, vous qui avez la volonté, vous vous êtes emparé du pouvoir et vous vous êtes fait aimer par les autres en vidant leur âme et leur esprit de tout ce qui n'est pas cet amour. Vous vous êtes approprié toute la plénitude de la vie ; vous les en avez privés et vous avez tout pris pour vous, comme nos capitalistes ont pris pour eux tous les biens de la Terre."Tiens ! Une référence politique ! Serait-ce une piste ? Pas vraiment, car elle s'épuise assez vite. À peine entamé, l'auteur cesse de creuser le filon de ce discours sectaire pour se concentrer à la place sur le projet d'évasion de son personnage... Ai-je employé le mot "sectaire" ? Oui. Ce n'est pas un hasard...
Fasciste ? Anti-fasciste ? Je ne suis pas surpris que les spécialistes ne soient pas parvenus à trancher. Et pour cause, je doute même qu'il y ait une dimension politique dans ce livre qui ne dépasse pas franchement le registre du roman d'aventure - mais qui se pose là dans cette catégorie. À mon sens, le "Maître du Savoir" est moins un leader politique qu'un simple gourou. D'ailleurs, alors qu'il étouffe la liberté de ses membres, les manipule mentalement et les
maintient dans un état de sujétion psychologique et physique, il en coche toutes les cases. Éventuellement, s'il fallait vraiment filer la métaphore politique, disons que le narrateur, qui n'a pourtant pas grand chose d'un révolutionnaire ou d'un militant engagé, pourrait passer pour libertaire. Et encore. Certes, il refuse d'être exploité ou dominé. Mais cela en fait-il seulement un anarchiste ? Si c'est le cas, j'en suis un également.
Purée ! Je suis libertaire !
Ah, dommage, le début de ta critique donnait envie ! On voudrait plus d'aventures, mais des aventures idéologiques
RépondreSupprimerS'il y a un contenu idéologique, le simple amateur que je suis est passé à côté. Donne-lui sa chance, tu y verras peut-être plus clair que moi...
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