Émile Gaboriau
L'affaire Lerouge
Ed. Voolume
En bonne place, parmi les questions qui ne trouveront sans doute jamais de réponse, figure la suivante : qui est le père (ou la mère), si tant est qu'il y en ait un(e), du roman policier ? Wilkie Collins ? Poe ? Conan Doyle ? Et pourquoi pas Gaboriau dont on dit qu'il influença jusqu'au créateur de Sherlock Holmes ? Quoi qu'il en soit, inventeur ou simple contributeur du registre, il a une importance considérable dans l'histoire de la littérature de genre - et c'est déjà beaucoup.
L'affaire Lerouge, certainement le livre le plus fameux de l'auteur, s'ouvre sur une scène de crime. La veuve Lerouge est retrouvée morte à son domicile, poignardée. Trois hommes s'emparent de l'affaire : Gévrol, commissaire de police, Tabaret, un ancien enquêteur, et Daburon, juge d'instruction. La première piste, évidente, celle d'un homme aux boucles d'oreilles entraperçu près du lieu du drame, laisse bientôt place à une seconde hypothèse, plus prometteuse mais infiniment plus complexe. En effet, ce qui s'annonçait comme une simple investigation criminelle devient rapidement l'analyse tarabiscotée d'un secret de famille, d'un échange d'enfants et d'une vengeance exhumée après une trentaine d'années de silence...
Le roman de Gaboriau, bien que reposant sur une enquête réaliste, ne se concentre pas uniquement sur le meurtre qu'il tente d'élucider. Ce sont plutôt les motivations profondes des protagonistes qui intéressent nos enquêteurs et, afin de mettre la main sur un(e) coupable, ceux-ci empruntent la piste cérébrale. Ils réfléchissent beaucoup, raisonnent et déduisent, exploitent les certitudes ainsi que les convictions de leur époque et plongent dans les milieux sociaux que fréquentent les suspects. Par conséquent, cette intrigue dépasse, et de loin, le registre mélodramatique auquel il a parfois été réduit. Au contraire, ce roman, initialement publié en feuilleton en 1865, brille par ses qualités psychologiques, sociales et, ne l'oublions pas, littéraires. Il est d'ailleurs important de souligner ce dernier point. La langue, élaborée mais classique, est d'une grande richesse, les dialogues sont fins, les réparties frappent juste et le ton n'est pas dénué d'ironie - la lecture de Frédéric Kneip pour cette édition audio lui rend parfaitement justice.
De là à penser qu’Émile Gaboriau pourrait être le père du roman policier, il n'y a qu'un pas...
Je m’étais déjà dit que je devrais essayer de le lire et ton avis très positif me poussera à le faire !
RépondreSupprimerBonne idée ! Et inutile d'attendre cet été pour te lancer, il ne coche pas les cases de ton (excellent) challenge estival.
SupprimerIntéressant. Connaissais pas du tout l’auteur. Un précurseur de Poirot,Maigret on dirait. Certainement très bien écrit comme tu le dis.
RépondreSupprimerOui, la langue est notable, tout comme l'influence de l'auteur sur le roman policier moderne. Ça vaut le coup.
SupprimerRebonjour, je l'ai emprunté par hasard en bibliothèque : très bien du point de vue psychologique. En revanche, j'ai trouvé quelques longueurs mais le roman vaut la peine. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai été assez séduit.
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