San-Antonio
Ça mange pas de pain
Ed. Fleuve Noir
Un coup de sonnette interrompt la partie de scrabble que San-Antonio dispute ce soir-là avec Félicie, sa chère mère. À la porte, "un grand bonhomme, vêtu de sombre et coiffé d'un feutre à petits bords". Le visiteur, qui s'excuse de se présenter "à une heure si peu protocolaire" et qui vient solliciter l'aide de notre héros sur le conseil d'Achille, son partenaire de golf et accessoirement grand patron de la maison poulaga, se nomme Xavier Basteville, du même nom que le fameux laboratoire pharmaceutique. Son problème est le suivant : la banque a été dévalisée par l'un des employés et son coffre en a fait les frais. Il aurait besoin que le commissaire remette la main sur le voleur et, surtout, sur un document que celui-ci a emporté. De source sûre, l'un comme l'autre se trouvent à Londres. Basteville, qui dépose une grosse enveloppe sur la table basse, réclame efficacité et discrétion.
San-Antonio, qui avait promis des vacances à Félicie, s'envole avec elle pour la capitale anglaise. Rapidement, son enquête le déboussole : les apparences sont trompeuses, le voleur ne correspond en rien à l'idée qu'il peut s'en faire, les évènements viennent contredire ses informations, le simple cambriolage dissimule des cadavres, le mobile ne tient pas la route, quelque chose cloche. Il a beau "[s]e vaseliner le bulbe, [s]e mettre des bigoudis à la cervelle pour [s]e la friser", la solution lui échappe. L'affaire le voit bientôt "tremper dans une béchamel qui n'aura pas le goût de Royco". Et quand sa mère est arrêtée et envoyée en prison, rien ne va plus.
Cette enquête, qui fonctionne plutôt bien et utilise les bonnes recettes à bon escient, permet surtout à l'auteur de digresser avec le talent qu'on lui connaît. Le temps de quelques pages, il abandonne notamment son histoire pour s'attarder avec beaucoup d'humour sur son métier d'écrivain, ses contraintes et ses obligations. Il va alors jusqu'à mettre en scène les difficultés qu'il rencontre et les contrôles qu'il subit régulièrement des instances officielles.
"Tous les six mois on a la commission de métaphore qui passe nous vérifier la prose."
Les conversations kafkaïennes qui en découlent sont hilarantes. Il imagine alors le "Service des Epithètes, Clichés et Images", ses remontrances pour "deux pages sans comparaison" et les menaces qui pèsent sur lui. On l'avertit, le doigt en l'air, que s'il continue comme ça on lui retirera sa licence d'écrivain !
"Tel que c'est parti, vous finirez critique un jour !"
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