dimanche 14 avril 2024

Florence Wells - Pointland

Florence Wells 

Pointland - L'Empire des Points

Ed. L'Alchimiste 


Florence Wells Pointland L'alchimiste
À Pointland, les citoyens vivent l'œil rivé à leur montre, non pas pour connaître l'heure mais pour être fixés sur le (dé)compte de leurs points, lequel est directement indexé sur leur comportement. Les actions du quotidien en font monter ou baisser le niveau et mieux vaut ne pas descendre en-dessous d'un certain seuil. Dans ce contexte, Pointland nous fait suivre les mésaventures de deux personnages confrontés malgré eux aux limites de ce fonctionnement. Le premier, Tséga, une jeune femme sans histoire qui rêvait de se teindre les cheveux en bleu, vient de céder à cette simple excentricité capillaire. Le second, Valmir, un fonctionnaire qui possède un nombre confortable de points, respecte le dogme à la lettre et n'hésite pas à dénoncer ceux qui s'en écartent, pourrait bien être en train de pêcher par excès de zèle. Tous les deux, chacun de son côté et pour des raisons différentes, s'apprêtent à sortir du droit chemin.

En matière de dystopie, il m'arrive de me demander si tout n'a pas déjà été imaginé. Et, effectivement, en ouvrant le roman de Florence Wells, c'est son aspect convenu - pour ne pas dire formaté - qui risque de frapper le lecteur biberonné aux récits de sociétés totalitaires. Ici, le concept est pour le moins académique : entre la dictature règlementée, ses caméras et sa censure ou encore son système tentaculaire, tous les clichés répondent à l'appel - jusqu'à la fameuse légende éculée d'une terre de liberté ! Mais une fois qu'il a accepté ce décor et, surtout, une fois familier avec les protagonistes, le lecteur entre dans une trame fluide, cohérente et accrocheuse. Alors, la construction syncopée propose une alternance de points de vue et, en introduisant des personnages secondaires qui bousculent la perspective et la place de nos héros malmenés, l'autrice met en évidence des injustices qui peuvent difficilement laisser de marbre. Par conséquent, le destin des protagonistes invite à réfléchir à quelques concepts politiques et philosophiques, à commencer par celui de libre arbitre.

Le roman ne brille donc pas par sa grande originalité - c'est dit. Il faut toutefois lui reconnaître des intentions louables. Celles-ci ne sont pas très novatrices et sans doute formalisées avec peu de subtilité, mais elles sont salutaires dans notre société du contrôle et à notre époque de la surveillance accrue. Ainsi, les occasions de rappeler que les libertés acquises se défendent, que les inégalités ne se creusent pas sans raison et qu'il est du devoir de chacun de refuser l'inacceptable sont-elles toujours bonnes à prendre, en particulier lorsqu'elles sont disséminées dans un roman qui, malgré ses défauts et ses maladresses, offre un indéniable plaisir de lecture.

Un grand merci au Maki pour m'avoir fait parvenir son SP (et pour ses conseils avisés, évidemment).

2 commentaires:

  1. Tu pointes précisément le sentiment que ça m'inspire, l'originalité seulement en pointillé. Je prends note que ça ne résume pas à ça, c'est un bon point, ça pourrait finalement être une lecture po(in)tentielle.

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    1. C'est parfaitement résumé. Je ne vois point quoi y rajouter.

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