Le Voyage Fantastique
versus
Destination Cerveau
d'Isaac Asimov
En 1966 sort en salle un film de science-fiction réalisé par l'américain Richard Fleischer et intitulé Le Voyage Fantastique. La même année et sous le même titre, Isaac Asimov en publie la novélisation. Contraint par un scénario sur lequel il n'a pas la main, il avouera par la suite n'être pas très satisfait de ce roman, qu'il n'assumera d'ailleurs jamais vraiment. Le temps passe et, vingt ans plus tard, il décide d'en écrire sa propre version, en s'affranchissant cette fois-ci de l'intrigue imposée et en s'offrant, au contraire, la liberté qui lui manquait alors. Celle-ci verra le jour en 1987 sous le titre Destination Cerveau.
Comme on peut s'en douter, le concept est sensiblement le même pour les deux romans : une invention scientifique extraordinaire permet de réduire un être humain à une taille défiant l'imagination. Ainsi, parvenus aux dimensions d'une molécule, les protagonistes sont injectés dans le corps d'un patient pour y pratiquer une intervention impossible selon les techniques traditionnelles. Voyons maintenant, au-delà des similitudes, ce qui distingue ces deux variations sur le même thème.
Alors que l'essentiel du premier roman se déroule à l'intérieur du corps et que son intrigue repose en bonne partie sur de l'action, le second livre est beaucoup plus introspectif, plus lent, plus patient, et il faut d'ailleurs attendre près de la moitié de l'histoire pour que les scientifiques soient projetés dans les artères du malade. Les rebondissements, l'imprévu, le sabotage et la traitrise de Voyage Fantastique laissent leur place dans Destination Cerveau à une réflexion plus aboutie sur la motivation des personnages et sur leur sens du devoir et du patriotisme. Concernant ce dernier point, il est intéressant de noter que les deux livres voient leur action se situer dans un futur impacté par les conséquences de le guerre froide. Ce qui peut aisément se comprendre pour le premier, daté des années 60, semble plus compliqué à expliquer pour le second, écrit à la fin des années 80. L'opposition des blocs de l'Est et de l'Ouest, qui fait figure de contexte dans le roman tiré du film, est au cœur de l'intrigue dans la nouvelle version - le personnage principal est un Américain enlevé par les Soviétiques et forcé de participer au programme sous la menace. Dans les deux livres, quand bien même l'action se situe dans un futur lointain, la société n'a jamais dépassé cette problématique politique. Pourtant, l'URSS s'effondrera deux ans seulement après la publication du second roman. Étonnant de la part d'Isaac Asimov, un homme tellement visionnaire.
Qu'ils soient envoyées pour détruire un caillot ou pour récupérer les données stockées dans le cerveau d'un chercheur, les deux équipages sont triés sur le volet et disposent de compétences uniques. Ils sont toutefois aussi peu exploités dans l'un que dans l'autre roman. Le seul personnage notable l'est pour de mauvaises raisons : l'assistante du scientifique, dans Le Voyage Fantastique, est réduit au rôle de la plante verte, jolie mais décorative. Bien entendu, elle finit - et c'est embarrassant - par succomber au héros macho. Le second roman est en partie débarrassé de sa dimension misogyne et des poncifs sur le genre qui encombraient le premier. Le personnage féminin y est plus intéressant, même s'il n'est pas mémorable pour autant.
Plus syncopé mais moins élaboré pour le premier, plus accompli mais moins immersif pour le second, les livres pèchent toutefois tous les deux par la même volonté d'exploiter dans le détail la dimension scientifique. Les informations sur la physique, la biologie ou l'anatomie noient parfois la narration, font patiner l'intrigue et rendent certains dialogues totalement absurdes. Pour autant, malgré le lot de défauts et d'imperfections, ils restent tous les deux plaisants à lire. Mon conseil ne serait donc pas forcément de faire l'impasse sur l'un ou sur l'autre mais plutôt de ne pas enchaîner la lecture des deux, erreur que j'ai commise. Alors, sans surprise, il y a comme un petit côté redondant.
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