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dimanche 10 décembre 2017

Erskine Caldwell - Les voies du Seigneur

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Erskine Caldwell 

Les voies du Seigneur 

Ed. Folio 


Dès la scène d'ouverture on sent que, dans ce nouvel opus de sa cartographie des Etats-Unis, Erskine Calwell utilisera l'ironie pour creuser le portrait d'une campagne ravagée par l'oisiveté et viciée par les croyances basiques. Cette ouverture, c'est l'arrivée de Semon Dye, prédicateur ambulant, bien décidé à guider les frustes et inertes individus qui peuplent le patelin de Rocky Comfort, brulent sous son soleil et en respirent la poussière. Et c'est Clay Horey, le pauvre bougre qui se retrouve à l'héberger, qui fera principalement les frais de cet homme en mission très particulière pour le Seigneur.

On s'en rend vite compte, le prédicateur abuse sans aucun scrupule de la crédulité des brebis qu'il se propose de conduire. Il joue, triche, fricote, boit, jure, se montre violent, entremetteur et tient des propos obtus pour ne pas dire intolérants. Mais ce n’est pas un imposteur pour autant, plutôt un personnage profondément complexe, un homme qui prend la religion à cœur, en interprète très librement les écrits, les applique à sa manière, à grands coups de contre-exemples, et croit en son propre discours. Finalement, il incarne à lui seul l'adage qui veut que "l'Enfer est pavé de bonnes intentions".

Le langage fleuri, le pistolet dans une main et les dés pipés dans l'autre, Semon Dye malmène son hôte. Si on sourit d'abord de la situation, on a rapidement envie d'attraper le pauvre Clay Horey par les épaules et de le secouer bien fort, de lui faire réaliser que l'homme qui s'est installé chez lui est une forme dangereuse de parasite. Mais on est là dans une comédie grinçante - certes moins fine que Le petit arpent du bon dieu et parfois à deux doigts de la gaudriole - proche de la farce. Une farce donc qui repose en grande partie sur les solides épaules d'un prédicateur dense et ambiguë et se joue au détriment du pauvre fermier. Celui-ci paiera le prix fort pour la bonne parole, autant à l'agacement qu'au plaisir un peu malsain du lecteur...

dimanche 9 octobre 2016

Erskine Caldwell - Le petit arpent du bon dieu

erskine caldwell petit arpent bon dieu livre pocheErskine Caldwell

Le petit arpent du Bon Dieu

Ed. Le Livre de Poche


Amateurs d'Amérique profonde, Erskine Caldwell vous entraîne dans le sud des États-Unis durant la grande dépression, au pays des cul-terreux édentés au comportement primaire. Vous y ferez la rencontre de Ty Ty et de sa famille, Ty Ty, un pauvre bougre, fruste et atteint d'une fièvre de l'or profondément ancrée, convaincu qu'à retourner sa terre il finira par trouver un filon. Alors il creuse chaque jour que Dieu fait. En vain. Mais quand Pluto, candidat dégénéré à l'élection de shériff, lui explique que seul un nègre albinos a le flair suffisant pour réussir là où lui échoue, Ty Ty se met en tête de mettre la main sur celui qu'on a justement aperçu dans les marais.

Si le roman débute comme un simple portrait social un brin caricatural, il s'oriente doucement vers le drame et affine ses personnages alors qu'on réalise peu à peu que leur principale complexité réside dans leur extrême et basique simplicité. Ils n'ont ni morale ni éducation, un langage cru et une sexualité débridée, une appréciation toute personnelle de la foi, pratiquent un racisme ordinaire et atavique et, finalement, sont d'autant plus attachants qu'ils n'ont que des défauts.

Au final, sa description d'une région sclérosée est faite avec beauté. De fait, alors qu'on s'approche d'une chute tragique et inéluctable, on se prend d'empathie pour des personnages qu'on pourrait facilement détester ou mépriser. Car, et c'est probablement là tout le talent d'Erskine Caldwell, il arrive à glisser de la poésie dans le portrait qu'il brosse d'une population qui en manque cruellement.