Stephen Markley
Le déluge
Ed. Albin Michel
Autant je suis facilement découragé par un film de plus de deux heures, autant un livre d'un millier de pages peut m'offrir une perspective réjouissante - en particulier lorsqu'il est signé Stephen Markley. Quatre ans après Ohio, qui marquait l'entrée fracassante d'un jeune américain en littérature, voici l'écrivain prodige de retour avec une fiction climatique.
Le livre s'ouvre sur les mésaventures d'un scientifique, bientôt suivies par celles d'un autre personnage, puis d'un troisième, d'un autre et ainsi de suite jusqu'à introduire une demi-douzaine de protagonistes qui se relaieront par la suite sur le devant de la scène. Les présentations sont faites. Alors le lecteur retrouve - ou découvre - l'aisance de l'auteur pour établir sa distribution et façonner un contexte, sa maîtrise de la langue et de la forme romanesque. Quelques pages lui suffisent pour brosser des portraits convaincants, poser des problématiques sanitaires, politiques ou environnementales, dresser un décor et une situation, ceux des États-Unis des années Obama. Les cent premières pages annoncent un choc.
Mais le choc tarde à venir, si tant est qu'il se produise jamais.
En effet, si mille pages permettent à un auteur de développer son sujet, elles lui font également courir le risque de le diluer, comme c'est le cas ici. Avec la succession des parties qui composent le récit, la trame se ramollie et les personnages perdent de leur force. Ces derniers finissent même par se confondre et il est parfois difficile de les distinguer les uns des autres - quand bien même Stephen Makley varie les modes narratifs et en attribue un particulier à chacun. Alors, malgré ses efforts et une inventivité formelle qui mérite d'être saluée, l'auteur se disperse. Cette impression est accentuée par sa multiplication des intrigues secondaires. Celles-ci donnent parfois l'impression que l'auteur a peiné à trier ses idées. Certaines sont bonnes, très bonnes même, mais elles ne semblent pas toutes à leur place et emmêlent trop souvent le fil rouge, délayant l'histoire. Par conséquent, il faut s'accrocher pour rester focalisé sur le principal : la dérive climatique, religieuse, médiatique et sociale à laquelle nous sommes confrontés. L'auteur n'en fait pas que le constat, il étudie la situation et en propose une projection.
La crise annoncée est en marche.
Pour défendre la thèse de l'inéluctable, Déluge ne retient pas ses coups. Il y a fort à parier que sa démonstration, qu'il développe sur plusieurs décennies dans un futur troublant de crédibilité, parlera à chacun de nous. Plaçant aussi bien les autorités face à leurs responsabilités que les citoyens devant leur comportement, l'auteur nous rappelle que la fatalité est insidieuse et que notre destin dépend de tous. Du moins des américains. En effet, pur produit de l'Oncle Sam, Stephen Markley ne semble pas voir au-delà de ses frontières. La résolution de la problématique environnementale sera américaine ou ne sera pas ! Toutefois, la cloisonner aux limites de son pays plutôt que de l'étendre aux autres continents nous a sans doute épargné un pavé de cinq mille pages, cinq fois plus laborieux à terminer...
Malgré ses défauts, notamment des idées qui mériteraient d'être plus canalisées et un enthousiasme mieux endigué, des défauts peu nombreux mais qui alourdissent indéniablement la lecture, le second roman de Stephen Markley vient confirmer les qualités déjà présentes dans son premier livre, en particulier la capacité de son auteur à poser un regard aiguisé sur la société et une langue maniée avec brio. Ces éléments combinés à une intrigue débarrassée de ses fioritures devraient mener à une œuvre romanesque mémorable. Affaire à suivre avec son troisième livre ?
"Ces éléments combinés à une intrigue débarrassée de ses fioritures devraient mener à une œuvre romanesque mémorable" : ça ressemble beaucoup au travail d'un éditeur ça.
RépondreSupprimerJe vais attendre son troisième.... ou enfin lire son premier.
Tu finiras par lire les 3 !
SupprimerEntre le travail d'un éditeur et l'avis d'un lecteur, il y a tout un monde.
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