Jacques Spitz
Les évadés de l'an 4000
Ed. Gallimard
Alors que le dérèglement climatique fait couler autant d'encre que fondre de glace, voici un roman qui va à l'encontre des tendances actuelles. Etait-il autant question de rétrécissement de la banquise à la fin des années quarante ? Probablement pas. Mais pour Jacques Spitz, qui n'est jamais là où on l'attend, le futur verra l'atmosphère se refroidir.
Le Soleil ne chauffe plus suffisamment, les Hommes ont trouvé refuge sous la surface de la Terre. Mais n'être plus exposé aux rayons a des conséquences fâcheuses. Privez une plante de lumière, elle dépérit; Privez-en les Hommes, ils s'abrutissent. Le teint pâle et le regard vitreux, les masses ont dégénéré. Le gouvernement en place a muselé le contre-pouvoir et les derniers intellectuels, en majorité des scientifiques, sont emprisonnés à Sainte Hélène prise dans les glaces. Là, dans le plus grand secret, une poignée d'optimistes s'organise pour tenter de sauver l'humanité en s'exilant sur Vénus, potentiellement plus vivable que la Terre.
Ce roman d'anticipation de facture classique, plutôt bien écrit mais moins stylé que le reste de son œuvre, est apparemment anodin et un peu daté. Il propose toutefois quelques pistes de réflexion assez modernes et presque subversives sur le pouvoir des libres-penseurs face à un régime oppressant. L'auteur a des idées larges mais un parti clairement pris sur la toute puissance de la science, seule à même d'apporter une solution à cette triste société qui court à sa perte. D'ailleurs on reconnaît bien dans cette vision acerbe d'une humanité percluse de défauts l'auteur de L'œil du purgatoire, un misanthrope qui ne cache ni ses opinions bilieuses ni son peu de foi en ses semblables. La société méritant donc son piètre sort, le mieux reste encore d'en finir avec elle et de repartir sur de meilleures bases. Ainsi, derrière le merveilleux scientifique repose une variation sur le mythe de l'éternel recommencement. Et si le roman comporte une touche d'espoir avec ces Adam et Eve du futur, elle a la demi-teinte d'un auteur irrémédiablement sceptique et fataliste.
Alors finalement, vaut-il mieux voir la Terre se réchauffer ou refroidir ? La vision de Jacques Spitz ne fait pas rêver et la tournure climatique ne lui donne pas plus raison qu'elle n'est prometteuse. Foutu pour foutu...
Je n'ai encore lu que "La guerre des mouches". Il faut décidément que je découvre le reste de son œuvre.
RépondreSupprimerJ'en ai lu quatre et je continue à penser de même.
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