Andrew Crumey
Pfitz
Ed. L'Arbre Vengeur
Je soupçonne fort Andrew Crumey d’avoir lu Laurence Sterne et Jean-Jacques Rousseau et d’avoir tenté, en un volume, de rédiger sa propre version, libre et très personnelle, de Tristram Shandy et de Jacques le fataliste. En effet, les similitudes entre Pfitz et ceux-ci sont si nombreuses et si frappantes que de simples coïncidences seraient troublantes. Mais de quoi au juste ce texte à forte valeur référentielle traite-t-il ? Un Prince décide de composer de toutes pièces un concept de ville imaginaire. Soucieux de ne rien laisser au hasard, il attribue à chacun de ses sujets un élément de ce projet. Tout est pensé dans les moindres détails et ingénieurs, romanciers, urbanistes, biographes s’échinent à la tâche. Maillon de cette chaîne, Schenck va outrepasser ses fonctions de cartographe en apportant des touches personnelles au travail d’une jeune femme dont il s’est épris, allant jusqu’à inventer un serviteur au Comte dont elle est chargée d’imaginer l’existence. Son projet lui échappe peu à peu alors qu’il réalise que la fiction impacte la réalité. Le roman alterne des scènes de la vie «réelle», des anecdotes fictives ou encore des dialogues entre des personnages dont on finit par ne plus savoir à quelle réalité ils appartiennent.
A la fois hommage au roman philosophique, tentative d’intrigue policière, aventure amoureuse, mégalomanie architecturale, réflexion sur la frontière ténue entre réalité et fiction ou encore portrait moqueur des rouages de l’administration, Pfitz est un livre ambitieux, presque démesuré, qui multiplie les registres. Mais à vouloir trop en faire et, par moment, à complexifier à outrance ses bonnes idées, j’ai peur que l’auteur ne se soit dispersé. Emboitant des tiroirs dans les tiroirs, il finit par rapidement délaisser l’excellente idée de départ, par abandonner ce peuple mis au service de l’ambition et du lyrisme d’un Prince marginal. Exit alors la description de cette ville complexe, aussi abstraite que pointilleuse, au détriment d’intrigues secondaires tordues et de moindre intérêt. Ainsi, il donne parfois l’impression de s’être perdu lui-même dans les méandres d’une intrigue alambiquée, jusqu’à un grand final théâtral laissé, me semble-t-il, à la libre interprétation du lecteur perplexe. Pfitz est un roman fascinant, très romanesque et à la vaste dimension poétique – parfaitement rendue dans le texte par la belle plume d’Alain Gnaedig – mais je le referme avec un fort sentiment de frustration.
Avec ce magnifique projet, Andrew Crumey avait tout pour produire un livre hors-norme, saugrenu et désopilant, érudit et original mais, dépassé par ses moyens dans cette tâche ardue, il prouve que, malgré tout son talent, il n’a malheureusement ni le génie de Rousseau, ni celui de Sterne.
A la fois hommage au roman philosophique, tentative d’intrigue policière, aventure amoureuse, mégalomanie architecturale, réflexion sur la frontière ténue entre réalité et fiction ou encore portrait moqueur des rouages de l’administration, Pfitz est un livre ambitieux, presque démesuré, qui multiplie les registres. Mais à vouloir trop en faire et, par moment, à complexifier à outrance ses bonnes idées, j’ai peur que l’auteur ne se soit dispersé. Emboitant des tiroirs dans les tiroirs, il finit par rapidement délaisser l’excellente idée de départ, par abandonner ce peuple mis au service de l’ambition et du lyrisme d’un Prince marginal. Exit alors la description de cette ville complexe, aussi abstraite que pointilleuse, au détriment d’intrigues secondaires tordues et de moindre intérêt. Ainsi, il donne parfois l’impression de s’être perdu lui-même dans les méandres d’une intrigue alambiquée, jusqu’à un grand final théâtral laissé, me semble-t-il, à la libre interprétation du lecteur perplexe. Pfitz est un roman fascinant, très romanesque et à la vaste dimension poétique – parfaitement rendue dans le texte par la belle plume d’Alain Gnaedig – mais je le referme avec un fort sentiment de frustration.
Avec ce magnifique projet, Andrew Crumey avait tout pour produire un livre hors-norme, saugrenu et désopilant, érudit et original mais, dépassé par ses moyens dans cette tâche ardue, il prouve que, malgré tout son talent, il n’a malheureusement ni le génie de Rousseau, ni celui de Sterne.
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