jeudi 29 août 2019

Akira Mizubayashi - Âme brisée

akira mizubayashi am brisee gallimard

Akira Mizubayashi

Âme brisée

Ed. Gallimard


J'ai toujours été très intéressé par la littérature prolétarienne, par les témoignages des conditions d'existence de cette classe sociale et par l'illustration des masses laborieuses dans la fiction. Eugène Dabit, Jean Meckert, Léon Bonneff, pour ne citer que quelques-uns de ses représentants. Mais c'est probablement Kobayashi Takiji avec son  Bateau-usine à avoir le premier éveillé en moi cette curiosité. Son livre, subversif, frappant et sans concession, met en scène une rebellion d'ouvriers pêcheurs de crabes en mer d'Okhotsk. L'auteur mourra entre les mains de la police en raison de ses opinions politiques peu de temps après la publication de ce roman pamphlétaire, en 1933. Il avait 29 ans.

Âme brisée d'Akira Mizubayashi n'entre pas dans cette catégorie de littérature prolétarienne. J'y reviendrai.

Le roman nous entraîne à Tokyo en 1938, en pleine guerre sino-japonaise. Quatre musiciens, soupçonnés de dissimuler un complot derrière leurs répétitions, sont vigoureusement embarqués par l'armée. Le violon de l'un d'entre eux est écrasé à coups de pied. Mais un gradé présent lors de la descente, visiblement touché par la musique et réprouvant le comportement des soldats, récupère l'instrument et le confit discrètement au fils du violoniste qu'il est le seul à avoir aperçu, caché dans une armoire. Un demi-siècle plus tard, l'enfant est devenu adulte. Il s'est reconstruit, il est maintenant luthier, reconnu et passionné. Naturalisé français, il vit à l'autre bout de la planète et son passé est loin derrière lui. Jusqu'au jour où le hasard le fait resurgir...

Je ne vous en ai pas trop dit de l'intrigue. On pourrait de toute manière la résumer dans son intégralité, le livre ne perdrait pas de sa saveur pour autant. Le livre d'Akira Mizubayashi, qui traite des sujets chers à l'auteur, est de ces romans qu'on lit moins pour son histoire que pour les sentiment qu'il provoque et les thèmes qu'il aborde. Et, bien sûr, pour ses passages très inspirés sur la musique. Ainsi, ce roman sur la résilience, l'arrachement à ses origines et l'art sous ses diverses formes est une œuvre sensible, forte, pertinente, et finalement assez abstraite malgré son fil romanesque.

Et la littérature prolétarienne dans tout ça ? Akira Mizubayashi multiplie les références au livre de Kobayashi Takiji et suggère que le père du luthier pourrait avoir vécu le même sort que l'auteur du Bateau-usine. Il attribue ainsi un caractère potentiellement subversif à la musique et dresse un parallèle entre l'écrivain et le musicien. Entre la plume et l'archet. L'un et l'autre peuvent devenir les instrument de la dénonciation ou les outils de la révolution sociale. Ça ne fait pas d'Âme brisée un roman prolétarien mais cette subtile allusion en fait un bel hommage, appuyé et intelligent.

5 commentaires:

  1. C'est marrant mais ton billet m'a surtout donné envie de lire le bateau-usine de Kobayashi Takiji.

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    1. N'hésite pas une seconde, c'est un texte important. Il est dispo aux éditions Allia pour une somme modique.

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    2. Je confirme : le livre de Kobayashi est excellent !

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    3. Alors je n'hésite plus.

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    4. Parfait. Alors tu sais ce qu'il te reste à faire.

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