Mircea Cărtărescu
Solénoïde
Ed. Noir sur blanc
Il arrive qu'un livre me laisse sans voix, il est plus rare qu'il me laisse sans mot, ce qui a bien failli être le cas avec celui de Mircea Cărtărescu. Ça n’aurait pas été si surprenant et on aurait même pu y voir une certaine forme de cohérence. En effet, cet imposant volume a pour principal sujet l'impossibilité d'écrire. Plus de 800 pages pour expliquer qu'on ne peut pas écrire ? Oui. Mais pas uniquement.
Solénoïde se présente comme le journal que tient le narrateur, professeur de langue en Roumanie. Personnage médiocre, pour ne pas dire raté, confronté à une réalité qu'il accepte mal, il mène à la place une existence fantasmée dans un décor surréaliste et noircit des pages et des pages. Entre le récit de son quotidien, l'interprétation de ses rêves, la revisitation de ses lointains souvenirs, les déambulations oniriques et la mise en perspective de sa jeunesse avec celle de ses élèves, le journal prend peu à peu la forme du roman d'apprentissage que le narrateur n'écrira jamais.
Écrivain et poète roumain, l'auteur de La Nostalgie est un romancier hors norme dont le portrait serait vaguement dissimulé en filigrane dans les pages de ce livre. Brillant et original, il n'a pourtant, a priori, rien à voir avec le professeur gris et étriqué de son roman. En même temps, Solénoïde étant le livre des paradoxes, il ne faut s'étonner de rien. Donc, aussi différents ou semblables soient-ils, l'auteur et son personnage partagent cette capacité à créer un univers à l'architecture riche, hallucinée, et l'un et l'autre vous entraînent dans un monde étrange aux fortes impressions, ni tout à fait réel, ni tout à fait imaginaire, un monde poétique et mélancolique qui se joue des règles de la narration. Les allers-retours dans l'existence du personnage sont incessants et les occasions ne manquent pas de revivre ses traumatismes du passé - la meilleure raison pour s'interroger sur le travail d'écriture, le rapport fébrile à la littérature et le besoin irrépressible de produire malgré la difficulté.
À la manière du Manuscrit Voynich auquel il multiplie les références (ce livre illustré anonyme rédigé dans une écriture à ce jour non déchiffrée et dans une langue non identifiée), chacun est libre d'y voir ce qu'il souhaite. D'entre toutes les interprétations possibles, j'y ai vu un roman de formation, un vibrant hommage au courant existentialiste, une œuvre totale, colossale, folle et totalement délirante, qui vous transporte dans le monde merveilleux du rêve et de l'évasion. J'y suis encore.
Il a l"air bien compliqué ce roman...trop pour moi je crois mais visiblement ce fut une bonne lecture pour toi c'est le principal.
RépondreSupprimerC'est une lecture exigeante, c'est vrai. Un chef d'œuvre, pas moins.
SupprimerJe suis en train de me demander si tu as décidé (en mode challenge perso) de lire tous les pavés de la rentrée littéraire ^^ !
RépondreSupprimerPas sûr que tous vaillent le coup. Je vais probablement en rester là...
SupprimerAlors j'aurai sans doute jamais le temps de lire ce livre mais ça a l'air super intéressant ^^
RépondreSupprimerCa demande un certain temps de lecture, en effet. Mais quelle récompense !
SupprimerGrand roman !
SupprimerTrès grand roman, même !
SupprimerArticle très intéressant, sur un sujet passionnant… Je l’ai étudié pour l’écriture de l’un de mes thrillers ésotériques (genre similaire à Dan Brown), dans lequel j’y développe une théorie inédite, ainsi que d’autres mystères sur des sociétés secrètes. Si quelqu’un est tenté de le lire, n’hésitez pas à me contacter, je vous l’offrirai avec plaisir J.King
RépondreSupprimerMerci pour le commentaire et pour la proposition !
SupprimerJ’ai prévu Melancolia du même auteur. Le côté pavé de celui que tu présentes me fait un peu peur.
RépondreSupprimerC'est effectivement un gros pavé mais ça ne doit pas t'arrêter : c'est de loin le meilleur livre que j'ai lu en 2019 !
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