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vendredi 3 janvier 2025

Mircea Cărtărescu - Théodoros

Mircea Cărtărescu 

Théodoros 

Ed. Noir sur Blanc 


Alors que mon année 2019 a été marquée par la lecture de Solénoïde, j'aurais aimé pouvoir dire que 2024 l'a été par celle de Théodoros. Hélas, non. Pourtant, la liste de ce que l'on peut en retenir est longue. Mais je crains que mon état de fatigue - chronique - n'ait eu le dessus sur la complexité de l'ouvrage. Evidemment, vous n'êtes pas ici pour essuyer le décompte de mes heures de sommeil, peu nombreuses et de piètre qualité, et encore moins pour m'entendre vous expliquer ce qui perturbe le repos dont j'aurais tant besoin. Bref.

Mircea Cărtărescu théodoros noir sur blanc
Nous sommes au XIXème siècle. Évoluant dans l'aristocratie roumaine, bien que n'en étant pas issu, Teodor rêve de devenir empereur. Les légendes chantées par sa mère ne sont pas complètement étrangères à cette singulière ambition. Le roman, à travers une série de courriers et par le biais de nombreuses digressions, nous fait suivre l'ascension et la chute de celui qui se fera appeler Téwodros II et qui, sous ce titre, gouvernera l'Éthiopie.

Tour à tour pirate, souverain ou moins que rien, le protagoniste évolue sous la plume d'un auteur exalté. L'auteur, d'ailleurs, parlons-en ! Romancier et poète, critique et théoricien littéraire à ses heures, Mircea Cărtărescu est surtout l'auteur d'une œuvre majeure, aussi difficilement qualifiable qu'hautement nobélisable - pour preuve, ce dernier livre qui pourrait à lui-seul caractériser les deux adjectifs ci-dessus. Si "hautement nobélisable" n'engage que moi, encore que, "difficilement qualifiable" est paradoxalement plus simple à démontrer : à la croisée des chemins entre le tableau historique et l'envolée romanesque, entre la prose poétique et une trame ancrée dans le réel, Théodoros est le récit librement arrangé de la vie d'un homme d'état de la Corne de l'Afrique. Sans qu'on sache jamais exactement ce qui tient de l'affabulation ou de l'authenticité, il met en scène des personnages tous plus invraisemblables les uns que les autres, de par le globe et dans des décors baroques, face à des situations folles et extraordinaires. Ainsi, fantasme, psychanalyse et politique se mêlent-ils dans un livre qu'on ne peut pas vraiment catégoriser comme roman, poème ou récit. "Difficilement qualifiable", disais-je...

Mu par une érudition semble-t-il inépuisable et une écriture qui confine au prodige, Théodoros brille par son ambition et par les moyens que l'auteur se donne pour l'atteindre. Mais une narration décousue, des phrases à rallonge aux tournures alambiquées ou encore une langue qui va bien souvent piocher dans le vocabulaire passif du lecteur font de ce livre une œuvre assez inaccessible. La lecture n'est pas aisée et, en terme de divertissement, elle n'offre qu'un faible retour sur investissement - bien que ce ne soit pas vraiment ce que je cherche tout d'abord dans un livre de ce calibre. Pour ma part, plus que le reste, c'est de la difficulté que j'y ai trouvé. Or, au regard de ma faible capacité de concentration, de ma peine à focaliser mon attention et pour les raisons évoquées dans le premier paragraphe, l'effort intellectuel nécessaire n'a pas été à ma portée. Je m'y suis perdu.

lundi 11 novembre 2019

Mircea Cărtărescu - La Nostalgie

Mircea Cărtărescu 

La Nostalgie 

Ed. P.O.L 


Mircea Cărtărescu La Nostalgie P.O.L
La Nostalgiedaté de 1989, est le premier texte en prose de l'auteur. On trouvait déjà dans cet ouvrage tous les sujets qui lui sont chers et qu'il développera par la suite. Pour autant, malgré les thématiques communes et quelques similitudes évidentes, ce livre est assez différent du reste de son oeuvre. Déjà dans le style, bien plus figuratif que des romans tels que Solénoïde ou Orbitor ; ensuite dans la forme, alors qu'il s'agit apparemment d'un recueil de nouvelles (je pense que Pourquoi nous aimons les femmes rentre moins dans la catégorie des recueils de nouvelles que dans celle des études critiques et des clés de lecture). Apparemment ? Oui, il est en effet difficile d'être catégorique quant à la forme car si elles ne sont pas réellement liées, il y a bien certaines passerelles ténues entre les nouvelles.

Ainsi, que ce soit l'histoire d'un jeune homme obnubilé par la roulette russe, celle d'un architecte dévoré par sa lubie pour la musique ou encore celle d'un adolescent fascinant de différence, toutes abordent dans le fond les mêmes sujets, à commencer par la figure de l'écrivain torturé et contraint à produire. On retrouve également l'obsession pour le rêve, l'adolescence et les traumatismes de la jeunesse ainsi qu'une vision toute personnelle de Bucarest.

Aussi subversif qu'extravagant et donc logiquement censuré lors de sa parution, écrit d'une plume viscérale, totalement fantasque et parcouru d'araignées, La Nostalgie est la pierre d'achoppement de l'oeuvre du romancier et poète roumain. C'est un livre incroyable, total et exigeant, d'une grande maturité, qui annonçait sans aucun doute la naissance d'un des plus brillants prosateurs de son temps (et futur Prix Nobel de littérature - les paris sont ouverts) ! Un livre incontournable sur lequel j'ai eu bien du mal à écrire ces modestes impressions mais dont je ne peux que vivement conseiller la lecture.

dimanche 8 septembre 2019

Mircea Cărtărescu - Pourquoi nous aimons les femmes

Mircea Cărtărescu 

Pourquoi nous aimons les femmes 

Ed. Denoël 


Mircea Cărtărescu Pourquoi nous aimons les femmes denoel
En vingt nouvelles et autant de portraits, Mircea Cărtărescu nous présente certaines des femmes qui ont marqué sa vie. Formellement et stylistiquement très différent du reste de son oeuvre, moins ambitieux et moins fantasque mais plus ancré dans le réel, volontiers humoristique et basé sur des situations du quotidien, ce recueil n'est clairement pas la porte d'entrée idéale dans l'univers si singulier de l'écrivain roumain. En revanche, ces courtes histoires autobiographiques, qui lui donnent l'occasion de revenir sur sa conception du travail, son rapport à l'écriture et à la littérature, offrent quelques précieuses clés de lecture ainsi qu'un bon moyen d'approfondir, de cerner et de mieux comprendre l'oeuvre exigeante, géniale mais difficilement pénétrable de l'auteur d'Orbitor.

Il y a donc fort à parier que cet ouvrage, s'il semblera certainement anecdotique aux primo-lecteurs de Cărtărescu, ravira les initiés. En ce qui me concerne, je suis ravi.

vendredi 23 août 2019

Mircea Cărtărescu - Solénoïde

Mircea Cărtărescu

Solénoïde

Ed. Noir sur blanc


Il arrive qu'un livre me laisse sans voix, il est plus rare qu'il me laisse sans mot, ce qui a bien failli être le cas avec celui de Mircea Cărtărescu. Ça n’aurait pas été si surprenant et on aurait même pu y voir une certaine forme de cohérence. En effet, cet imposant volume a pour principal sujet l'impossibilité d'écrire. Plus de 800 pages pour expliquer qu'on ne peut pas écrire ? Oui. Mais pas uniquement.

mircea cartarescu solenoide noir sur blanc Solénoïde se présente comme le journal que tient le narrateur, professeur de langue en Roumanie. Personnage médiocre, pour ne pas dire raté, confronté à une réalité qu'il accepte mal, il mène à la place une existence fantasmée dans un décor surréaliste et noircit des pages et des pages. Entre le récit de son quotidien, l'interprétation de ses rêves, la revisitation de ses lointains souvenirs, les déambulations oniriques et la mise en perspective de sa jeunesse avec celle de ses élèves, le journal prend peu à peu la forme du roman d'apprentissage que le narrateur n'écrira jamais. 

Écrivain et poète roumain, l'auteur de La Nostalgie est un romancier hors norme dont le portrait serait vaguement dissimulé en filigrane dans les pages de ce livre. Brillant et original, il n'a pourtant, a priori, rien à voir avec le professeur gris et étriqué de son roman. En même temps, Solénoïde étant le livre des paradoxes, il ne faut s'étonner de rien. Donc, aussi différents ou semblables soient-ils, l'auteur et son personnage partagent cette capacité à créer un univers à l'architecture riche, hallucinée, et l'un et l'autre vous entraînent dans un monde étrange aux fortes impressions, ni tout à fait réel, ni tout à fait imaginaire, un monde poétique et mélancolique qui se joue des règles de la narration. Les allers-retours dans l'existence du personnage sont incessants et les occasions ne manquent pas de revivre ses traumatismes du passé - la meilleure raison pour s'interroger sur le travail d'écriture, le rapport fébrile à la littérature et le besoin irrépressible de produire malgré la difficulté.

À la manière du Manuscrit Voynich auquel il multiplie les références (ce livre illustré anonyme rédigé dans une écriture à ce jour non déchiffrée et dans une langue non identifiée), chacun est libre d'y voir ce qu'il souhaite. D'entre toutes les interprétations possibles, j'y ai vu un roman de formation, un vibrant hommage au courant existentialiste, une œuvre totale, colossale, folle et totalement délirante, qui vous transporte dans le monde merveilleux du rêve et de l'évasion. J'y suis encore.

dimanche 4 août 2019

Mircea Cărtărescu - Orbitor

Mircea Cărtărescu 

Orbitor 

Ed. Denoël 


Mircea Cărtărescu Orbitor Denoël folio
Les voies de l'édition sont impénétrables.

Prenez Orbitor. D'abord publié chez Denoël avant de sortir en poche en Folio SF, on est en droit de se demander ce qu'un tel livre fabrique dans cette catégorie genrée de littérature. Orbitor, de la SF ? Je ne peux pas m'empêcher de voir là un choix très discutable et finalement assez réducteur. Certes, la littérature de genre est avant tout de la littérature - on ne me fera pas dire ce que je n'ai pas dit - mais le livre de Cărtărescu aurait certainement moins dénoté en Folio "tout court" qu'en Folio SF. Même si c'est certainement en Poésie Gallimard qu'il aurait, à mon avis, le mieux trouvé, à défaut d'un public, sa place.

J'imagine qu'il faut argumenter maintenant. Orbitor est un roman qui... non... non... Orbitor n'est pas exactement un roman. Oui, c'est un récit fictionnel en prose et donc, techniquement, c'est un roman. Mais... mais, impossible à résumer et dénué de tout fil narratif clair - je mets d'ailleurs quiconque au défi de m'en pitcher la trame - ce livre fou et illisible (c'est lui-même qui le dit) est plus un recueil d'impressions, d'images abstraites, de souvenirs énigmatiques de l'auteur et de visions fantasmée de sa mère, le tout mis bout à bout selon un ordre apparemment aléatoire. Et le caractère SF, me direz-vous. Mis à part de nombreux passages à l'imagination foisonnante et délurée, le livre n'en a aucun. Si Orbitor est de la SF, la moitié de votre bibliothèque blanche en est également.

Daté de 1996, soit bien avant son Grand Œuvre Solénoïde, ce livre de Mircea Cărtărescu traitait déjà de thèmes similaires : obsession pour la mémoire, réflexion sur le travail d'écriture, mise en abîme de l'auteur écrivant son propre ouvrage, entre autres. De même, Orbitor est laissé à la libre interprétation du lecteur. Ce long poème en prose, qui sollicitera sacrément votre vocabulaire passif, est parsemé de papillons, de ceux qui volettent dans les pages à celui imprimé sur la peau de la mère du narrateur, autant de taches d'encre dans lesquelles, à l'image du test de Rorschach, vous pouvez voir ce que votre esprit vous autorise. Ou ne rien voir du tout. Auquel cas le mieux est encore de laisser la plume magnifique mais exigeante de l'auteur vous porter vers des horizons résolument inédits.

Et pour en revenir aux voies de l'édition, elle sont d'autant plus impénétrables qu'Orbitor est aujourd'hui épuisé, en poche comme en broché. Drôle d'idée de perdre un tel titre de son catalogue.