samedi 6 mars 2021

Joseph Ponthus - À la ligne

Joseph Ponthus À la ligne feuillets d'usine La Table Ronde folio
Joseph Ponthus 

À la ligne 

Ed. La Table Ronde 


Purée ! Je réalise en rédigeant ce billet que Joseph Ponthus est décédé la semaine dernière ! Ça me fait bizarre... Je ne peux pas m'empêcher de me demander s'il ne rendait pas son dernier soupir précisément quand je lisais son livre. De fait, je sens que ce billet va avoir comme un air de notice nécrologique - je vous invite donc à le lire en écoutant l'Adagio de Barber.

Joseph Ponthus signe en 2019 un premier livre très remarqué, encensé par la critique, auréolé de plusieurs prix et donc logiquement accompagné d'un joli succès de librairie. Présenté comme un roman et sous-titré "Feuillets d'usine", il a tout du texte autobiographique et nous invite à partager la vie d'un ouvrier remplissant des missions d'intérim dans des usines ou à l'abattoir. L'auteur ne tente pas réellement de dissimuler ses traits derrière ceux du narrateurs et on le reconnait aisément dans le portrait de cet ancien étudiant lettré aujourd'hui travailleur précaire.

Les pages nous font suivre le fil de ses pensées, des réflexions sur la classe ouvrière et la pénibilité de sa condition à des anecdotes du quotidien - parfois drôle, souvent rudes, toujours justes - en passant par les nombreux souvenirs de lecture d'un gros, gros lecteur. C'est presque ce dernier point qui surprend le plus. Personnellement, je ne m'attendais pas à trouver autant de références littéraires dans un témoignage de l'intérieur sur les masses laborieuses. Disons que c'est assez inhabituel et que, sans forcément remettre en question les notions basiques du déterminisme social, cela interroge sur les raisons qui ont conduit Joseph Ponthus d'une prestigieuse classe préparatoire à des emplois non qualifiés en usine.

Une fois l'étonnement passé face à sa forme, ce long poème en vers libres dénué de ponctuation se lit à un rythme syncopé. La langue est d'une grande fluidité, le portrait est touchant, le propos est intelligent et, entre esprit critique et sens aiguisé de la dérision, il brise autant d'idées reçues sur le milieu prolétaire qu'il en conforte d'autres.
 
À la ligne annonçait surtout l'entrée en littérature d'un jeune auteur prometteur. Son premier livre sera malheureusement son dernier.

10 commentaires:

  1. J'ignorais son décès, dommage en effet.. il ne me reste plus qu'à lire son unique titre alors, qui m'attend depuis un moment sur mes étagères.

    RépondreSupprimer
  2. J’avais lu son livre l’an dernier .
    Oui il témoignait de son travail pénible dans cette usine,de l’alimentaire comme on dit,et il s’en evadait par la poésie et la littérature.Beau et triste à la fois.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Beau et triste, en effet. Mais parfois drôle également.

      Supprimer
  3. C'est un livre assez saisissant en effet, brillant. Quel dommage.

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour TmbM, j'ai aussi été très triste d'apprendre son décès. On n'a pas le droit de mourir si jeune. Une plume alerte qui disparaît. Sinon, Joseph Ponthus avait participé à un livre "Nous... la cité" au temps où il était animateur et blogueur http://dasola.canalblog.com/archives/2012/11/08/25304876.html Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En effet, avant de signer ce premier roman il avait participé à un ouvrage collectif que je n'ai pas lu. J'y jetterai un œil à l'occasion.

      Supprimer
  5. je tombe par hasard sur une émission radio le concernant.
    Le comble est que ce pauvre garçon, intérimaire dans cette usine,a été viré du jour au lendemain par sa direction à qui il avait fait parvenir son livre,par correction.
    Heureusement ses lecteurs ont vite pris le relais.

    RépondreSupprimer