Branimir Šćepanović
La bouche pleine de terre suivi de La mort de M. Golouja
Ed. Tusitala
Il y a bien longtemps dans une galaxie très lointaine, la musique était gravée sur des microsillons. Si, des deux faces d'un vinyle, la face A était généralement celle du tube et la face B celle de son faire-valoir, il est parfois arrivé que ce soit la face B qui rencontre le succès. Peut-il en aller de même avec la littérature ? C'est ce que nous allons voir avec le livre de Branimir Šćepanović.
Il y a du sens à ce que les deux textes qui le composent aient été réunis dans le même volume. Déjà, ces deux courtes nouvelles se complètent bien l'une l'autre, traitant de sujets similaires, sur des tons comparables. Ensuite, elles plongent le lecteur dans des réflexions identiques sur les destins entravés, l'élan collectif et, plus généralement, sur la mort. Enfin, elles illustrent parfaitement le propos de mon introduction. En fait... pas complètement. Voyons cela.
La bouche pleine de terre propose deux points de vue de la même histoire. D'une part, le récit à la troisième personne d'un homme qui s'enfonce dans la nature, décidé à se donner la mort avant que sa maladie ne l'emporte. D'autre part, le témoignage à la première personne d'un chasseur qui, voyant le premier passer devant sa tente, décide avec son compagnon de le rattraper pour lui parler. Ils vont se courser sans trop savoir pourquoi et les poursuivants, bientôt rejoints par d'autres promeneurs de plus en plus nombreux et portés par un effet de groupe, vont se transformer en une meute violente aux motivations sanguinaires disproportionnées.
La mort de M. Golouja n'est pas si différente. L'homme qui donne son nom à la nouvelle s'arrête dans un bourg modeste pour y mourir. Quand les habitants s'en rendent comptent, ils se proposent de rendre mémorables et agréables ses derniers jours. Ainsi, Golouja dort dans de bons lits, mange à de bonnes tables, tant et si bien qu'il reprend goût à la vie. Mais ceux qui ont fourni ces efforts ne l'entendent pas de cette oreille et commencent à se dire qu'avec le mal qu'ils se sont donné pour lui offrir une belle mort, le moins qu'il puisse faire serait tout de même de se tuer...
Ironie cruelle pour le premier, humour noir pour le second, ces deux contes sont des bijoux dans le registre du macabre. La bouche pleine de terre est un classique de la littérature serbe et il est titré en gros sur la couverture quand La mort de M. Golouja, plus méconnu, n'a droit qu'à une petit ligne en dessous. Une face A et une face B ? C'est possible. Mais si cela fait du premier un tube, cela ne fait pas du second son faire-valoir. Car, en ce qui me concerne, si je ne devais retenir qu'une des deux faces, ce serait la B, pour son style épuré et son extrême dépouillement, pour son ton désopilant et son mauvais esprit. Et puis... j'ai toujours eu un faible pour les outsiders...
Moralité : mieux vaut la mort qu'avoir la bouche pleine de terre ?
RépondreSupprimerEn tout cas à la lecture des deux pitchs ma préférence va aussi au deuxième. Ça me donne même envie de les lire pour vérifier tiens.
Allez, tu sais ce qu'il te reste à faire.
Supprimer2 nouvelles troublantes,ce qui me pousse à les lire.
RépondreSupprimerJe ne peux que t'y inviter.
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