Nicolas Bouvier
L'usage du monde
Ed. Lizzie
En accompagnant Nicolas Bouvier et son compagnon de route, Thierry Vernet, de Genève à la passe de Khyber, j'ai autant vécu un voyage dans l'espace que dans le temps.
Dans l'espace, c'est évident. Le livre transporte le lecteur en Turquie, Iran, Pakistan, Afghanistan. À bord d'une Fiat 500 Topolino, les deux hommes voient défiler les kilomètres, les cultures et dessinent les contours de décors qui dépaysent et désorientent. Mais, surtout, d'un lieu à l'autre, ils rencontrent leurs contemporains et Nicolas Bouvier, qui pose sur les gens qu'il croise un regard affuté et chargé d'humanité, en dresse les portraits avec une finesse qui force le respect. Il démontre ainsi qu'à vingt-cinq ans seulement il était déjà doté d'une forte acuité, d'une grande justesse et d'une rare capacité à dégager l'essence de certains moments et de ceux qui les vivent.
Dans le temps, ça l'est également. De deux manières et pour deux raisons différentes. La première tient au texte, la seconde au lecteur. La première, c'est que le voyage se déroule il y a soixante-dix ans, de juin 1953 à décembre 1954. L'époque est différente, les problématique, les moyens, les considérations, la communication, les valeurs également. Tout est différent. Le récit qu'en fait l'auteur présente l'image d'une époque figée, définitivement révolue et assez loin de nos préoccupations actuelles. De fait, il invite le lecteur à remettre ses priorités en perspective et à relativiser. La seconde, c'est que j'ai lu ce livre pour la première fois il y a environ vingt-cinq ans. Cette relecture - ou, pour être plus précis, cette audiolecture - m'a replongé dans les vestiges de mon insouciante vingtaine, m'a renvoyé des souvenirs que je croyais perdus et m'a confronté à des envies que je croyais passées.
Je referme ce récit avec un profond sentiment de nostalgie. Ça arrive.
Intéressant. Mes journées feraient 72h, je le cocherai bien pour cette proposition de voyage intérieur aussi bien que d'exploration.
RépondreSupprimerLa vie est une question de priorités...
SupprimerTrès beau billet. Tous les autres livres de Nicolas Bouvier sont du même tonneau. Ils donnent du courage et dépaysent sans jamais tomber dans l'exotisme facile. Cet auteur était extrêmement raffiné et d'une grande finesse, c'est vrai, mais il savait surtout mettre le corps au centre de ses livres, tout passe par lui : il est mis à rude épreuve, il exulte et il souffre tout à la fois. Selon lui, pour bien voyager, il faut accepter de perdre des plumes.
RépondreSupprimerJ'ai lu "L'usage du monde" pendant le confinement, c'était une manière de voyager sans attestation de déplacement dérogatoire. En effet, le monde a bien changé.
Merci. J'en ai lu pas mal de cet auteur mais c'est vers celui-ci que j'ai eu envie de revenir. Je suis rempli par ce voyage.
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