San-Antonio
Les Con
Ed. Fleuve Noir
Un dimanche soir, au moment où Félicie lève le nez de son journal pour partager avec son fils une réflexion sur les patronymes lourds à porter - il est question dans les faits divers de la mort d'un monsieur Con - voilà que le téléphone sonne. Le patron réclame San-Antonio sur le champ ! Le commissaire passe la porte, laissant sa mère à ses nouvelles et ses pensées.
Le Vieux accueille San-Antonio et, ni une ni deux, lui expose la situation : Zyrcon, le fameux peintre inventeur du cônisme, se sait mourant. De son vrai nom Con, l'artiste a décidé de léguer son immense fortune à tous ceux qui portent le même nom que lui et ont eu le courage de ne pas le faire changer par l’état civil. Mais voilà ! Le coffre de l'office notarial dans lequel est conservé le testament a été forcé. Rien n'a été dérobé mais quelqu'un a pris connaissance du document et de la liste des futurs légataires. Or, depuis, deux d'entre eux ont été retrouvés morts. Maladroitement assisté par un Bérurier plâtré de la jambe et par un Pinaud fidèle à lui-même, San-Antonio se lance sur la piste la plus évidente : un Con a vraisemblablement entrepris de décimer tous les autres Con afin de toucher la plus grosse part possible de l'héritage à venir. Mais cela semble presque trop simple...
"- Je vais vous dire une chose. Cette affaire est extravagante. Effarante. Noire. Impensable. C'est une histoire de... de...- De Con, monsieur le directeur, proposé-je..."
L'idée, aussi absurde qu'originale, est digne du maître incontesté du calembour et de la contrepèterie. Celui-ci s'y investit avec enthousiasme et décomplexion et, appelant un con un con, revient sur le fait qu'on est toujours celui d'un autre. Malheureusement, à égrainer les vérités sur les cons le long d'un intrigue qui n'est là que comme support, il finit par se heurter aux limites de l'exercice. On s'en rend vite compte, ce hors-série ne dépasse pas le cadre de la tentative d'épuisement d'un jeu de mots. Or, même San-Antonio, malgré son adresse pour le trait d'esprit et sa capacité à élever celui-ci au rang des beaux arts, finit par tourner en rond et par ouvrir en grand la porte aux blagues attendues et aux jeux de mots un peu faciles sur les cons.
"Mais pour qui me prenez-vous, policier ? Je suis un Con, moi, camarade monsieur. Un vrai. Me laisser conduire parmi la tourbe des assurés sociaux ? Me laisser tripoter par des mains d'individus qui, il n'y a pas si longtemps, s'en servaient pour marcher ! Moi, descendant en ligne droite de Con 1er, premier roi des Con ! Traitez-moi de con pendant que vous y êtes !"
Toutefois, l'auteur, qui a plus d'un tour dans son sac, fait baigner dans cette histoire de Con des personnages qui s'y comportent au naturel et ont même rarement autant paru à leur place. Tous y interviennent, Berthe et son amant, Félicie, Achille, tous. La langue est parfaite, les digressions nombreuses et inattendues, à l'image - s'il ne fallait en retenir qu'une - de celle dans laquelle il propose "le rebectage des chefs-d’œuvre en péril par absence de crédibilité". Jean Valjean envoyé en prison pour avoir volé un pain ? Bah, San-Antonio replâtrerait bien cette version en le condamnant plutôt "pour braquage de banque avec défuntage du caissier" ou dessoudage de pompiste. Et Emma Bovary. "A qui tu feras croire qu'elle a mené une vie pernicieuse alors qu'elle
ne s'est farci en tout et pour tout que deux amants, ce que la femme
d'un cadre moyen se paie par semaine et celle d'un P.-D.G. par jour en
nos temps de belle reluisance." Tout un programme...
Aussi con soit-il, le lecteur n'est jamais à court de surprises avec San-Antonio.
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