lundi 24 février 2025

László Krasznahorkai - Petits travaux pour un palais

László Krasznahorkai 

Petits travaux pour un palais 

ed. Cambourakis 


Melville, Moby Dickici ou ailleurs, je vous ai déjà suffisamment rabattu les oreilles avec tout ça. Pas d'inquiétude, je ne remettrai pas le couvert ici. Bref, vous qui ne visitez pas cette adresse pour connaître les obsessions de son taulier ou vous qui les cernez déjà, je vous invite à passer directement au paragraphe suivant. D'ailleurs, celui-ci est terminé. Dont acte.

László Krasznahorkai Petits travaux pour un palais Cambourakis
J'ai tourné la dernière page de ce court livre de László Krasznahorkai, chantre du postmodernisme, multiprimé, adoubé par Imre Kertész et régulièrement cité parmi les auteurs susceptibles de recevoir le Nobel de Littérature, avec l'envie d'y revenir. Si j'avais jusqu'alors beaucoup tourné autour de ses livres, je n'avais encore jamais sauté le pas. Jusqu'à celui-ci, consacré à l'un de mes sujets de prédilection : Herman Melville. Pourtant, le romancier américain n'est pas vraiment au centre du récit, comme nous allons le voir.

Composé d'une seule phrase longue d'une centaine de pages, Petits travaux pour un palais nous fait suivre les pensées d'herman melvill (en minuscule et sans "e" final), un bibliothécaire plutôt terne et qui rêve, en grand et en fou, d'une immense bibliothèque fermée au public et dont il serait à la fois le gardien et l'unique usager. Il faut dire qu'il aime autant les livres qu'il déteste ses concitoyens. Il porte un costume gris, parfois marron, se plaint d'un affaissement de l'arche interne du pied, ce qu'il répète à l'envi, et sa vie est rythmée par ses complexes et ses lubies, dont celles pour les romanciers Herman Melville et Malcolm Lowry ou bien pour l'architecte Lebbeus Woods. Qu'on se promène dans la bibliothèques ou qu'on déambule dans les rues de New York, c'est surtout dans la tête du narrateur que l'on tourne en rond. Notre guide se plait à nous y perdre, quand bien même il en connait les plans par cœur et sait exactement où il nous emmène.

Avec cet hommage à la création artistique doublée d'une apologie de la manie dévorante, le romancier hongrois prouve le temps d'un monologue rythmé qu'il peut falloir bien plus qu'un paradoxe pour entraver une passion ou démolir un rêve incohérent. Car tant que les projets prennent vie dans la tête de ceux qui les échafaudent, même irréalistes, ils sont réels. Ainsi, cette bibliothèque inaccessible au commun des mortels et renfermant toutes ces richesses existe quelque part. Et même en plusieurs endroits : dans la tête de l'auteur et dans celle de ceux qui l'ont lu. Et maintenant un peu dans la vôtre.

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