Pierre Boulle
Les jeux de l'esprit
Ed. J'ai lu
Les années 70 sont marquées par un essor notable des sciences et une fascination grandissante pour le progrès technologique - l’homme vient tout juste de marcher sur la Lune ! En 1971, dans ce contexte d’optimisme rationaliste, Pierre Boulle imagine les dérives possibles d’une logique coupée de toute humanité.
Les Jeux de l’esprit est un roman d’anticipation dystopique qui met en scène les membres du Gouvernement Scientifique Mondial, alors que les savants ont remplacé les politiciens à la tête de la planète. Le livre mêle fantaisie, satire et réflexion philosophique, et pousse à l’extrême l’absurdité des jeux intellectuels, jusqu’à en dévoiler les impasses. On y entre pour se divertir, on en ressort en se demandant si ce n’est pas l’humanité elle-même qui vient d’être mise en échec.
"Ce qui est intolérable ne peut être toléré. Or, l'émiettement du monde en une poussière de nations dirigées par des ânes est intolérable. Donc, il faut mettre fin à cet état."
Sous des dehors légers, voire naïfs, le récit se révèle une critique mordante du monde moderne : un monde où la logique devient tyrannique et où l’intelligence, en voulant tout expliquer et tout résoudre - même les conflits idéologiques - finit par se retourner contre elle-même. Tout devient alors prétexte à mettre en scène la bêtise méthodique, l’orgueil du raisonnement et cette étrange manie qu’a l’homme de se prendre trop au sérieux lorsqu’il pense.
Cependant, l’ouvrage porte aussi les stigmates de son époque :
"Joë était notre machiniste. J'ai oublié son nom, mais je le revois encore : un négro placide, sans culture, mais très consciencieux dans son travail."
Certaines formulations, qui ne manqueront pas de heurter le lecteur contemporain, rappellent que l’œuvre de Boulle, aussi lucide soit-elle dans sa critique de la modernité, reste prisonnière de certains préjugés du XXème siècle. L’œuvre n’est pas exempte de ses propres aveuglements : elle rappelle que l’ironie n’immunise pas contre les préjugés, et que même la satire la plus acérée peut laisser passer ce qu’elle entend dénoncer.
Merci pour les infos. J'aimerais bien lire un peu plus Pierre Boulle que "juste" La Planète des singes et Un pont sur la rivière Kwai (dont je n'ai d'ailleurs aucun souvenir!).
RépondreSupprimerTon dernier paragraphe me semble illustrer, pour la énième fois, que la réalité est complexe et nuancée et que les gens ne sont pas monobloc. J'avais noté ça sur Verne, dans un billet: totalement visionnaire sur certains trucs et totalement le produit de son époque sur d'autres.
Le temps est une épreuve intransigeante.
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