mercredi 8 octobre 2025

San-Antonio - L'année 1976

En 1976, avec la publication d'un hors-série consacré à Bérurier et de trois nouvelles aventures du commissaire, San-Antonio maintient un rythme soutenu. Il continue à déployer sa verve inimitable, mêlant humour, argot et critique sociale dans des intrigues policières débridées. 

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San-Antonio 

Concerto pour porte-jarretelles 

Ed. Fleuve Noir 


Un dénommé Franck Rèche, directeur de ce qui ressemble à un asile, se présente directement à San-Antonio, sous prétexte qu'ils sont de vieilles connaissances. Il s'avère que les deux hommes ne se sont que vaguement croisés sur les pistes de ski quelques années plus tôt. Qu'à cela ne tienne ! Notre héros écoute le problème, et pas des moindres, auquel est confronté l'ancien interne des hôpitaux de Paris : mystérieusement, deux de ses patients sont dans la nature. Or, vu l'état plus ou moins végétatif de ces derniers, ils n'ont pas pu partir tout seul...

Accompagné de Béru, qui aura largement l'occasion de dévoiler son intimité, notamment lors d'une expérience scientifique barbare et de situations problématiques dont il sortira par deux fois les fesses à l'air, San-A part à la recherche des malades disparus. 
"Seulement, méziguemuche, je file en gamberge que tu ne peux pas estimer comme. Des tripotées d'horizons flamboyants s'ouvrent devant ma vue en couches superposées."
Même s'il démarre par une longue diatribe sans lien avec le sujet qu'il s'apprête à aborder, le roman ne sera pas particulièrement ponctué des divagations habituelles auxquelles l'auteur aime à se laisser aller. Il offrira toutefois quelques digressions inattendues, comme une étonnante comparaison entre l'architecture et la littérature. Rédigée dans cette langue imagée dont l'auteur a le secret, "en termes vifs, nets et précis, agrémentées de métaphores bien venues et d'adverbes peu usités chez les analphabètes", son enquête le mènera, via un sentier sinueux pour ne pas dire foutraque, sur la piste de nazis (fous, mais faut-il vraiment le préciser ?) obsédés par la pureté et l'eugénisme. Classique, non ?

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San-Antonio 

Sucette Boulevard 

Ed. Fleuve Noir 


Deux syndicalistes sont tués par l'explosion de leur voiture, une concierge et un curé sont abattus d'une balle dans la tête, un ex-marchand de chaussures est jeté à l'eau depuis un pont, autant d'évènements apparemment isolés mais finalement liés par une revendication commune qui, par ailleurs, promet d'autres morts si la police n'envoie pas le meilleur de ses hommes à Marseille pour midi. Suivant ces instructions, San-Antonio s'envole pour la cité phocéenne, assisté d'un Pinaud heureusement armé d'un peu plus que de son simple bon sens. En effet, le débris a rapidement l'occasion de rappeler qu'un homme d'action sommeille quelque part en lui... ce qui ne l'empêchera pas de se faire enlever. Béru surgit alors et prend l'affaire en main, investi temporairement du rôle de commissaire.
"Chose curieuse, les prérogatives d'exception accordées au Gravos me reposent. Je me sens en semi-vacances, dégagé des vilains problèmes et des noirs tourments de l'âme. J'avais besoin de cette espèce de temps mort. De cette page de repos."
Béru en commissaire, secondé par un San-A simple inspecteur, voilà qui bouscule les repaires de la série ! Et, comme le reconnaît justement notre héros, "il se défend royalement, l'Hénorme". Sa performance propulse directement cet épisode dans la catégorie de ceux qui comptent ! Avec son improbable histoire de dérive sectaire, entre action, introspection et digression, Sucette Boulevard a comme un goût de bonbon acidulé !

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San-Antonio 

Remets ton slip, gondolier ! 

Ed. Fleuve Noir 


À la poursuite d'un ancien mafieux en cavale, San-Antonio nous plonge dans une Venise bien loin de la carte postale touristique, où les gondoles croisent au son des mitraillettes. Pour raconter cette histoire de truand en fauteuil roulant et de contenu mystérieux d'un coffre-fort verrouillé, l'auteur déploie une énergie certaine. Les dialogues fusent, les situations décalées s'enchaînent, et l'humour, souvent grivois, ne manque pas de piquant. L'intrigue, bien que dynamique, flirte parfois avec le grotesque, et certains rebondissements semblent plus tirés par les cheveux que véritablement surprenants, à l'image de cette scène invraisemblable de noyade en mer Baltique qui défie toute logique.

Malheureusement, ce qui ressort de ce tourbillon d'aventures rocambolesque, plus que son style argotique et truculent, c'est la décomplexion gênante avec laquelle l'auteur affiche son homophobie. On ressort de cette lecture à la fois diverti par le rythme effréné du récit, mais aussi troublé par les relents discriminatoires qui, eux, ne font pas sourire.

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Si les deux premiers épisodes de cette année 1976 s'inscrivent dans l'âge d’or de la série, le troisième est pour sa part annonciateur de l'évolution plus sombres des années 1980. En somme, il marque un tournant : derrière la légèreté apparente et le verbe toujours aussi volubile de San-Antonio, perce une tonalité plus trouble, reflet d’un auteur moins en phase avec son temps, tiraillé entre le pastiche policier et les dérives d’un ton de plus en plus abrasif.


 
Et pour suivre l'avancée de ma lecture complète des aventures du commissaire San-Antonio, cliquez sur le sourire de l'auteur !


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