Tom Sweterlitsch
Demain et le jour d'après
Ed. Albin Michel
Il y a quelques années, Daryl Gregory invitait ses lecteurs à assister à une thérapie de groupe durant laquelle plusieurs patients partageaient leur expérience et confrontaient leurs impressions après avoir survécu à une catastrophe improbable. John Dominic Blaxton aurait bien eu besoin de participer à ce cercle de parole. Depuis que sa femme enceinte a péri dans l'attentat nucléaire qui a rasé Pittsburgh, il est rongé par un syndrome de culpabilité des survivants et navigue entre le deuil et la dépression.
Dans la société futuriste imaginée par Tom Sweterlitsch, on peut faire revivre le passé grâce à des archives numériques. Tout est sauvegardé et on peut aisément reconstituer des souvenirs immersifs et plus vrais que nature. John s'y réfugie volontiers, autant pour faire resurgir des cendres les images de son épouse que pour son emploi d'enquêteur. C'est en y navigant pour son travail qu'il tombe sur un cadavre et c'est en partie pour noyer sa neurasthénie qu'il se met en tête d'éclaircir les circonstances de ce qui ressemble fort à un meurtre.
Comme Terminus qui conjuguait également SF et polar, ce premier livre plonge le lecteur dans une enquête futuriste. Mais si l'intrigue sert de fil rouge à un roman bien ficelé qui ravira sans doute les amateurs du genre, elle m'a surtout semblé être là pour illustrer un propos. Deux en l’occurrence.
En dressant le portrait d'une société traumatisée par les attentats, Tom Sweterlitsch s'interroge sur la tendance sécuritaire dans laquelle elle finit inexorablement par tomber. Mais il se pose également la question des dérives qui touchent ses citoyens, à commencer par le rapport aux nouvelles technologies : le futur est ultra-connecté, la publicité est intrusive et omniprésente, la réalité est augmentée, chacun porte un implant, en abuse, et semble emprisonné dans une forme particulièrement vicieuse de liberté. Dans ce monde merveilleux et paranoïaque des neurospams évolue un survivant. Intellectuel, amateur de poésie - aussi anachronique que cela puisse paraître - et brisé, il a beaucoup de mal à renouer avec la vie. Mais y a-t-il seulement une place dans une telle société pour un homme dont la grande sensibilité s'apparente à de la faiblesse ?
Demain et le jour d'après ne se contente pas d'envisager notre avenir ou de nous relater le quotidien de ce personnage dépressif, il nous invite à y plonger. Attendez-vous donc à ce que chaque page transpire le mal-être et à ce que le livre tout entier fleure la sinistrose. Apprêtez-vous surtout à y prendre goût.
D'autres avis ? Hop !
Je viens d'acquérir Terminus, enfin sorti en poche, que j'avais, me semble-t-il, noté suite à ton avis. Je vais donc entamer ma découverte de cet auteur avec ce titre, mais je retiens qu'il ne faudra pas s'arrêter là !
RépondreSupprimerLes deux livres, qui se ressemblent par bien des aspects mais sont finalement très différents, sont tous les deux très bons. Je suis impatient d'avoir ton avis !
SupprimerEt du coup, pour les lecteurs, y'a une thérapie de groupe de prévue aussi, pour s'en remettre ?
RépondreSupprimerOui, elle passe par la lecture du livre de Daryl Gregory !
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