mercredi 30 juin 2021

David Lapoujade - L’altération des mondes

David Lapoujade L'altération des mondes version dick paradoxe Minuit
David Lapoujade 

L'altération des mondes 

Ed. Minuit 


Faut-il réellement présenter Philip K. Dick, l'un des romanciers les plus incontournables et les plus influents de la littérature de genre ? On va dire que non. En revanche, il peut être utile de présenter David Lapoujade, qui signe cet essai sur l'écrivain américain. Philosophe français, spécialiste du pragmatisme, professeur à la Sorbonne et contributeur de nombreuses revues spécialisées, il a dirigé l'édition des textes posthumes de Deleuze - dont il a été étudiant - et publié plusieurs ouvrages sur la littérature et la philosophie. Après s'être penché sur les écrits d'Henry James et les travaux de Ralph Emerson, il s'intéresse cette fois-ci à l'auteur de Ubik - ou, pour être précis, il s'intéresse aux mondes que celui-ci a créés.

Constatant que les mondes créés par PKD ont presque toujours des aspects artificiels et que ceux-ci sèment le doute quant à leur réalité, le philosophe s'interroge sur le rapport que l'auteur entretient avec celui dans lequel il vit. Par extension, il cherche à comprendre et éventuellement à expliquer la tentative de dépossession du réel qu'entreprend l'auteur. Vaste et stimulant projet.
 
Mais, alors que j'ouvrais le livre particulièrement enthousiaste, curieux de découvrir les théories du philosophe et de réfléchir avec lui à l’œuvre d'un auteur dont j'ai lu et aimé beaucoup de romans, j'ai été refroidi dès l'introduction. En effet, après avoir affirmé que "la SF pense par mondes", il assène que la contrepartie en est la suivante :
"La SF peine à créer des personnages singuliers comme en produit la littérature classique. On ne rencontre ni Achille, ni Lancelot, ni Mrs Dalloway. Les personnages de SF sont souvent des individus quelconques, stéréotypes ou prototypes faiblement individualisés (...)"
Pardon ? Là, je m'inscris en faux ! "La SF peine à créer des personnages singuliers" ? Le Baron Harkonnen n'est-il pas singulier ? R. Daneel Olivaw est-il un individu quelconque ? Joe Chip est-il un stéréotype ou un prototype ? Billy Pèlerin est-il faiblement individualisé ? Et que dire de Victor Frankenstein, du comte Dracula, du capitaine Némo ou, plus récemment, de Guy Montag, de Charlie Gordon, de Saul Laski ou, plus récemment encore, de Friedrich Saxhäuser ?

J'aurais pu passer outre cette affirmation... si elle n'avait été la première d'une longue série. Mais l'auteur, une fois ce ton dogmatique adopté, ne le lâche plus. Péremptoire, il est perclus de certitudes et, tout du long, soutient des vérités sur les genres et les registres, les possibilités des uns et les limites des autres. Ce ton m'a vite fatigué. J'ai en ai même perdu le fil de la démonstration. Celle-ci est d'ailleurs parfois noyée dans la parfaite maîtrise que l'auteur étale affiche de son sujet. Il connaît l’œuvre de PKD sur les bout des doigts, des romans les plus fameux aux nouvelles les plus confidentielles, et propose de relire chaque texte à la lumière de la philosophie et sous le prisme de Descartes ou Locke.
 
Pourquoi pas. Mais qui suis-je pour en discuter ?

Et pour faire le point sur ce challenge, c'est ici.

2 commentaires:

  1. Un article si négatif alors que cet auteur s'abaisse à étudier des ouvrages de SF, cette basse littérature incomplète. Vil lecteur d'imaginaire va.

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