jeudi 3 mars 2022

Stuart Turton - L'étrange traversée du Saardam

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Stuart Turton 

L'étrange traversée du Saardam 

Ed. Sonatine 

 
Je ne suis pas méchant - même si je dois reconnaître qu'il m'arrive de prendre plaisir à tacler les livres qui m'ont fait perdre mon temps. Pas méchant mais parfois sévère, bien que j'essaie de rester aussi juste que possible. Et d'autant moins méchant que j'évite généralement de tirer sur l'ambulance. Sur le livre de Stuart Turton, par exemple. Pourtant, là, je pourrais me lâcher. Je pourrais appuyer où ça fait mal. Je pourrais commencer par m'acharner sur les personnages caricaturaux et me plaindre des longueurs de la narration, continuer en pestant contre la confusion de la trame, râler - fulminer ! - contre la facilité avec laquelle les éléments obscurs de l'intrigue sont justifiés par des thèses nébuleuses, et je pourrais également m'acharner sur l'explication finale qui mériterait une explication de l'explication et qui, en lieu et place d'un éclaircissement bienvenu, m'a plongé dans l'incompréhension la plus totale.

Mais je ne suis pas méchant. Je vais donc prendre la lorgnette par l'autre bout. Je vais plutôt noter ce que l'on peut sauver de ce roman, à commencer par son décor. L'action se situe au XVIIème siècle et se déroule sur un vieux voilier grinçant, objet d'une obscure malédiction et perdu dans l'océan quelque part entre Batavia et Amsterdam. La mer est démontée, de mystérieux évènements se produisent, des messages cabalistiques surgissent de nulle part, un insaisissable lépreux diabolique sème la panique à bord et la seule personne qui pourrait protéger le bateau de son funeste destin est aux fers à fond de cale. Tous ces éléments sont autant de prétextes pour se lancer dans des descriptions du navire, de la proue à la poupe, théâtre d'une intrigue qui ne cache ni ses influences, ni ses références. En effet, avec son second livre, l'auteur anglais rend un hommage appuyé à la littérature de genre, du récit maritime à l'énigme en huis-clos. Malheureusement, l'hommage n'est à la hauteur d'aucune des sources d'inspiration et l'entreprise, malgré - ou à cause de - une intention évidente de vouloir faire les choses en grand, prend l'eau de toutes parts, peinant à rester au dessus de la ligne de flottaison.

Stuart Turton avait frappé fort avec un premier roman impressionnant de maîtrise et d'originalité, à la fois complexe et limpide, inattendu et déroutant. Or, il y a un prix à payer pour avoir fait son entrée en littérature avec un monument tel que Les sept morts d'Evelyn Hardcastle : on est attendu au tournant. Avoir les moyens de placer la barre aussi haut est une chose, pouvoir la maintenir à niveau en est une autre. L'auteur anglais sera-t-il l'auteur d'un seul grand livre ? Le seul moyen de le savoir est d'en lire le troisième, s'il paraît un jour.

8 commentaires:

  1. Outch. C'est vraiment décevant vu les qualités du premier - même si on pourrait aussi débattre de la qualité et de la clarté de sa conclusion, ce qui leur ferait un point commun.

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    1. J'ai pourtant souvenir d'une conclusion assez limpide pour son premier roman. Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas le cas avec celui-ci.

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  2. Je vais passer mon tour ! Et attendre le prochain qui devrait être mieux... lol

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  3. Ah mince.Tu as donc fait une mauvaise traversée.
    Et les fins ouvertes à l’interprétation c’est plutôt frustrant.

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    1. Je crois que la fin n'est pas ouverte à l'interprétation. Disons simplement qu'elle est plutôt difficile à comprendre.

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  4. On navigue au sens propre et au sens figuré on dirait,dans ce roman.
    Je vais passer moi aussi. Dommage j’avais bien aimé Les sept morts..

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    1. Moi aussi , j'avais aimé. C'est là que le bât blesse.

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