David Treuer
Notre cœur bat à Wounded Knee
Ed. Albin Michel
En 1890 survint ce que l'on nomme le massacre de Wounded Knee, durant lequel de nombreux Amérindiens, entre 150 et 300, trouvèrent la mort. On estime généralement que c'est cet évènement qui mit un terme à 400 ans de guerres, avec, comme conséquence directe, la lente disparition de l'identité et de la culture des Premières Nations. De nos jours, bon nombre de leurs descendants et derniers représentants vivent cloitrés dans des réservent ou se noient dans une société qui a évolué sans eux.
David Treuer a décidé de voir les choses sous un autre angle.
Pour le romancier et essayiste américain, Ojibwé du Minnesota, il y a une autre manière de considérer tout ceci. Certes,
il est lucide quant à la place des indiens aujourd'hui, souvent
réfugiés dans la violence et l'alcool, réduits à la pauvreté et au
désespoir ou encore cantonnés au folklore. Mais le massacre de Wounded Knee ne les a pas que stigmatisés. Il a également fédéré des indiens isolés et des tribus divisées autour d'une cause commune. Il en a émergé une "vie
indienne et américaine contemporaine". Ainsi, plutôt que de marquer la fin d'une civilisation, il estime que cet épisode, "peut-être le plus malheureux depuis l'arrivée des Européens dans le Nouveau Monde", pourrait être à l'origine de quelque chose de nouveau, d'une renaissance.
Pour comprendre la situation, pour saisir comment les Indiens sont passés de "seigneurs du continent" à "ces vestiges éparpillés de ci, de là", et surtout pour comprendre le cheminement de l'auteur et le point de vue qu'il propose, il est important de revenir sur l'Histoire - depuis le commencement. Son livre s'ouvre donc 10000 ans avant notre ère et s'articule autour de deux grandes parties. La première, qui retrace les principales lignes d'une histoire riche et mouvementée, est d'une grande densité, contient énormément d'informations et demande un investissement certain. Il n'est pas nécessaire pour autant de disposer d'outils ou de connaissances spécifiques. Mais de motivation, oui. La seconde partie, sans doute moins exigeante et à l'aspect plus sociologique, fait notamment appel à des récits et des témoignages. L'auteur s'y interroge sur l'héritage de cette Histoire. Il dresse un parallèle entre le destin des indiens et celui de l'Amérique, les deux étant intimement liés.
Notre cœur bat à Wounded Knee est donc à la fois un ouvrage d'histoire et le récit des indiens d'Amérique vu par l'un d'entre eux mais c'est également un brillant essai, important et passionnant, sur la transmission et la résilience. Dans les pages de son livre, qui fera date, David Treuer honore la mémoire de ceux qui sont tombés et rend hommage à tous les survivants d'un génocide perpétré par un pays qui, qu'il le veuille ou non, compte dans ses rangs les fiers dépositaires d'une culture forte, vieille de milliers d'années et jeune d'au moins autant.
David Treuer - Notre cœur bat à Wounded Knee - Albin Michel (576 pages)
Un essai qui m’intéresserait, mais je ne suis pas sûre que j’aurais le courage de me lancer dans la lecture de ce pavé , dont la première partie a l’air bien dense.
RépondreSupprimerC'est sûr que ce n'est pas une lecture simple. Mais quelle récompense !
SupprimerC'est un sujet super intéressant. C'est vraiment bien que ce livre existe. Et le ton semble plus "optimiste" que désespéré, ce que je trouve génial.
RépondreSupprimerEn effet, c'est un essai qui s'évertue à regarder dans la bonne direction.
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