C'est l'été. J'arrive dans cette maison de location pour y passer quelques jours. Je fais le tour des lieux, je jette un œil, je furète et finis par tomber sur une maigre bibliothèque. Cinq livres y dorment. Quatre romans de San-Antonio et un cinquième, un recueil de nouvelles de Jean Molla publié chez Thierry Magnier. J'ai beau être venu avec plus de livres que de vêtements, je ne résiste pas à la tentation de me plonger dans ceux que je viens de trouver. J'aime San-Antonio, vous le savez. Bref, j'ouvre le premier. Bientôt suivi des trois autres...
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San-Antonio met le paquet
Ed. Fleuve Noir
Ni une ni deux, à peine arrivé, voilà le Gros qui creuse un trou dans le jardin pour planter l'énorme sapin qu'il offre en cadeau de crémaillère et qui, pour l'heure, dépasse de la voiture. Mais il va tomber sur un os. Littéralement. Plusieurs, même. De quoi constituer un corps. Puis deux…
Qui sont les cadavres ? Comment sont-ils arrivés là ? L'intrigue policière peut se mettre en place. Mais certainement pas le ventre vide. Après tout, nos héros sont venus pour se remplir la panse. Le déjeuner, retranscrit tel un évènement sportif, vaut à lui seul la lecture de ce roman. Les Gravos qui se disputent la blanquette à la manière d'un ballon ovale n'est que la première des images ubuesques qui parsèment ce roman...
"Il arbore ce teint vert bouteille des hépatiques qui ont traité leur foie par le mépris et qui subissent les représailles."
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San-Antonio fait une entrée remarquée chez Fifi-les-belles-noix, une tenancière "le genre cavalière Elsa, croisée femme à barbe et améliorée pétroleuse", vendeuse de tord-tripes aux arcans de Montmartre. L'idée est de s'y faire repérer par Paul-le-pourri, un truand sur lequel le commissaire a des vues et dont il espère bien devenir le nouvel ami et complice...
"Paul-le-pourri se redresse lentement. Il est grand, maigre, avec des yeux enfoncés dans les orbites et pareils à deux crachats de tubar car ils sont sanguinolents. Si ma description est trop poussée faites excuses, j'écris pas pour les demoiselles."
Une aventure de San-Antonio sans fioriture ni personnages secondaires récurrents, animée par des figurants borgnes ou eczémateux, dignes de la cour des miracles, et ponctuée de scènes de torture et de morts violentes. L'auteur va à l'essentiel, construit une intrigue efficace et accrocheuse, très noire, dans la langue argotique et imagée dont il a le secret.
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En vacances à Courchevel, San-Antonio tombe nez à nez sur Riri Belloise, un petit malfrat, ni bien méchant, ni très malin, qu'il a eu l'occasion par le passé d’envoyer au placard. Cette rencontre tombe bien ! Riri, qui doit éliminer un riche industriel qui séjourne à la station, demande son aide au commissaire pour échapper à ce contrat. Ses commanditaires ont beau avoir un moyen de pression, lui n'a pas les tripes de passer à l'acte, d'autant moins qu'il n'a pas l'habitude d'avoir du sang sur les mains. Alors que San-Antonio décide de prendre les choses en main, voilà que l'industriel disparaît. Tout le monde se lance à sa recherche, la police comme les assassins !
Comme le roman précédent, celui-ci ne fait pas dans la dentelle. L'intrigue est menée tambour battant et l'auteur va droit au but, même s'il se fait plaisir en tirant à boulets rouges sur Riri :
"Mais exciter trop longtemps la curiosité d'un type comme Riri n'a rien de plaisant. Son cervelet n'a pas le format magnum, ce serait plutôt la bouteille échantillon."
"C'est un cul-de-jatte de la matière grise. Avec cécoinces, il faut adopter la vitesse croisière et ne pas oublier de mettre ses clignotants dans les carrefours."
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San-Antonio chez les "gones"
Ed. Fleuve Noir
Dans
la région lyonnaise, l'instituteur d'une petite école s'est fait
égorger et deux de ses élèves ont disparu. San-Antonio est envoyé
incognito pour élucider ce mystère, accompagné de Béru qui se fera
passer pour le nouvel enseignant... L'enquête du commissaire le conduira
à fréquenter un groupe de libertins qui vendent de la drogue, en usent
et en abusent, une bande de désaxés dirigés par une ancienne meneuse de
revue et vivant dans l'orgie et le stupre. Leur description est... vive.
Mais ce sont surtout les scènes de classe qui donnent tout son intérêt au roman, même s'il y en a finalement assez peu. Béru, en instituteur à la main leste, qui fait rentrer ses leçons à coup de parties de belote et de litrons de rouge, ou encore qui fait la démonstration de ses méthodes face à l'inspecteur d'académie, ça c'est de l'enseignement !
"- Bebert, si tu me lis pas correctement, t'auras droit à un coup de pompe dans le train et à douze verbes : "Je suis pas foutu de lire ce qu'y a écrit sur une étiquette."Alors le frêle timbre du môme annone :
"Les vins du Rocher, velours de l'estomac"
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Les vacances sont terminées. Je rentre chez moi et retrouve ma pile à lire qui a d'autant moins baissé que je reviens en n'ayant lu presque aucun des livres avec lesquels je suis parti. Mais j'en ai lu d'autres ! Quant à San-Antonio, j'y reviendrai...
Et pour suivre l'avancée de ma lecture complète des aventures du commissaire San-Antonio, cliquez sur le sourire de l'auteur !
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