Louis-Ferdinand Céline
Casse-pipe
Vous connaissez mon intérêt pour San-Antonio, n’est-ce pas ? Bon. Figurez-vous que j’ai tenté d’écouter la version audio de l’un ou l’autre de ses romans, ici ou là. Sans grand succès. Je n’ai pas vraiment été convaincu par ce que j’ai pu entendre. Quelques interprètes courageux s’y sont essayés, mais la tâche est loin d’être évidente : la langue de San-Antonio regorge de barbarismes, d’inventions, de trouvailles langagières en tous genres et de tournures expérimentales. Par ailleurs, bon nombre des calembours et jeux de mots que l’auteur prête à ses personnages semblent tout simplement impossible à transposer.
Et puis, en fouillant un peu, je suis tombé sur un certain Gracchus. Et croyez-moi, ce gars-là est vraiment bon. Le seul hic, c’est que j’ai déjà lu les deux épisodes qu’il propose : Vas-y, Béru ! et Un éléphant, ça trompe. Quel dommage ! Alors, faute d'un San-Antonio, je me suis rabattu sur son interprétation d'un autre auteur compliqué à passer à l'oral, Céline.
Casse-pipe, c’est du Céline, aucun doute là-dessus. Du vrai, du brut. Mais un Céline auquel il manque quelque chose. Une fin ? Sans doute. Ce roman, fragment d’autobiographie militaire, est inachevé, amputé. Il s’interrompt net, brusquement, comme une phrase suspendue. Est-ce si grave ? Pas forcément. Céline y refait le monde depuis le fond d’un lit de caserne. L’armée y est dépeinte comme un cloaque : tout y est laid, crasseux, absurde, hiérarchisé à l’excès. On y croise des types sans grandeur : le capitaine de chambrée, les collègues qu’on tolère, le sergent gueulard… C’est du Céline, oui - mais du Céline mineur. On est loin du Voyage, loin de Mort à crédit. Casse-pipe n’est qu’un brouillon, dont l’intérêt est plus stylistique que narratif. L’histoire est mince, et ce n’est pas pour elle qu’on s’y plonge. Ce qui importe, c’est la voix. Celle de l’auteur.
Et, en l’occurrence, celle de son interprète. Je vous laisse juger.
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