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mercredi 12 avril 2023

Ugo Bellagamba & Jean Baret - Le monde de Julia

Ugo Bellagamba & Jean Baret

Le monde de Julia 

Ed. Mnémos 

 
Ugo Bellagamba Jean Baret Le monde de Julia Mnémos
Pendant un temps, je m'amusais à chercher dans les pages des romans que je lisais la citation qui pourrait à elle-seule en résumer le contenu ou, encore mieux, cerner mon sentiment en tant que lecteur. Ça a plutôt bien fonctionné ici, pas trop mal , ailleurs également sans doute mais je ne sais plus où, puis j'ai fini par laisser cette idée de côté. Je l'adopte de nouveau, juste le temps de ce roman, tant une phrase, extraite de son contexte, m'a interpelé. Je vais y venir. Mais voyons d'abord ce qu'il en est de ce roman co-écrit par Ugo Bellagamba & Jean Baret.

À une époque indéterminée, le monde est divisé en clans qui tentent de recréer, à leur manière, les fondements de la société telle qu'ils la conçoivent et qui adoptent des consignes et des contraintes tirées des œuvres marquantes de la culture populaire. Ainsi, s'inspirant de Brazil ou de Sa Majesté des Mouches, obéissant aux règles du Fight Club ou à l'esthétique de THX 1138, ces clans se côtoient, se jaugent, s'absorbent.

Perchée dans une montagne et loin de ces problématiques, la petite Julia vit avec Roland, le robot auquel ses parents l'ont confiée avant de disparaître. La machine lui prodigue un enseignement, la protège, lui apporte du soutient et de la compagnie. Mais quand la batterie de Roland rend l'âme, Julia se retrouve seule. Elle décide alors de quitter son refuge. Sa découverte du monde passera par de longues conversations fantasmées avec des philosophes, auteurs des textes fondamentaux de la discipline, Montesquieu et Cyrano en tête.

Que ce soit à travers les questions que soulève l'expérience des membres du clan ou celles de Julia sur la route, les deux romanciers se lancent dans un cours magistral sur les libertés et l'esprit des lois. En effet, il est important, pour pouvoir comprendre la société et en dessiner des contours fiables, de saisir les concepts sur lesquelles celle-ci repose. Mais si l'intention est louable et le procédé méritoire, la forme est péniblement didactique. Visiblement focalisés sur la rentabilisation de leurs vieilles fiches bristol stabilotées rédigées pendant leurs années d'études et ressorties pour l'occasion, les auteurs, accessoirement historien du droit pour le premier et avocat pour le second, ont totalement négligé la dimension romanesque de leur entreprise, qui se réduit rapidement à des conversations artificielles et poussiéreuses. Les grandes lignes de théorie politique ou de philosophie qu'ils recyclent sont passionnantes en tant que telles mais anachroniques au possible. Par conséquent, le roman sonne faux du début à la fin.
"Jamais tu n'as été aussi ennuyeux et aussi peu convaincant, Jean."
Cette citation ne s'adresse pas qu'à l'auteur de la trilogie Trademark, même si c'est son nom sur la couverture qui m'a donné envie de l'ouvrir. J'englobe Ugo Bellagamba dans ce constat. Mais je ne suis pas rancunier. J'y reviendrai.

vendredi 29 octobre 2021

Jean Baret - Mort™

 Jean Baret 

Mort™ (Trademark - 3)

Ed. Le Bélial' 

 
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J'ignore la différence entre un soufflet et un soufflé. Combler cette lacune est mon droit le plus absolu. Alors pour 1,99 crédits, je clique pour ne pas mourir idiot. Vite ! Je clique ! Je clique vite !

Félicitations ! J'ai cliqué et j'ai bien fait ! Un soufflet est un coup du plat ou du revers de la main sur la joue. Un exemple m'aidera à mieux comprendre, c'est certain. En voici un : quand je lis Bonheur, je prends une gifle, un coup du plat de la main sur la joue gauche. C'est un soufflet. Quand ensuite je lis Vie, je prends une seconde gifle, un coup du revers de la main sur la joue droite. C'en est un autre. C'est donc une bonne chose de prendre un soufflet ? Tout dépend de qui me le met et du contexte dans lequel je le reçois. Quand c'est Jean Baret qui m'en colle un, ça me calme mais j'y reviens. Quand il m'en colle un second, ça me pique mais j'y reviens encore. Et si le premier me calme et si le second me pique, que me fait le troisième ? Je veux savoir ! C'est mon droit le plus absolu ! Alors pour 1,99 crédits, je clique pour savoir si le troisième me remet les idées en place ! Vite ! Je clique ! Je clique vite !

Félicitations ! J'ai cliqué et j'ai bien fait ! Maintenant que j'ai compris ce qu'était un soufflet, je me pose une nouvelle question. J'ai d'abord tendu la joue gauche, ensuite tendu la droite. Mais je n'ai que deux joues et c’est un problème. Comment alors procède-t-on pour le troisième soufflet ? Pas de panique ! Car le dernier opus aura plutôt l'effet d'un soufflé. J'ignore ce qu'est un soufflé. Je veux savoir. C'est mon droit le plus absolu. Alors pour 1,99 crédits, je clique pour apprendre. Vite ! Je clique ! Je clique vite !

Félicitations ! J'ai cliqué et j'ai bien fait ! Un soufflé est une préparation salée ou sucrée dans laquelle des blancs d'œufs en neige provoquent à la cuisson, à four modéré, une augmentation de volume. Le problème du soufflé est que, s'il est beau et gonflé à la sortie du four, il retombe une fois sur la table. Je réalise alors que c'est appétissant mais vide. Comme Mort™ qui épargnera mes joues. La droite comme la gauche. Parfois, un soufflet, ça me fait du mal mais ça me fait du bien. Là, j’en aurais volontiers pris un troisième. Mais ce volume n'offre rien de vraiment nouveau, si ce n'est un lien en forme de blancs d’œufs, et recycle des idées déjà exploitées dans les romans précédents. Or, comme il ne peut pas être apprécié si on n'a pas au préalable expérimenté les deux premiers soufflets, les arguments ne semblent plus très nouveaux. La majorité des idées étaient déjà en germe dans les deux premiers volumes et même les meilleures d'entre elles donnent l'impression d'être usées. Bon, je dis ça mais je ne voudrais pas pour autant qu'on me prenne pour un citoyen qui en aurait quelque chose à foutre. Et les autres, qu'est-ce qu'ils en pensent ? Je veux savoir ce qu'en dit Le Chien Critique ! Et je veux savoir ce qu'en pense Yuyine ! Lire les avis des autres est mon droit le plus absolu. Alors pour 1,99 crédits, je clique. Vite ! Je clique ! Je clique vite !

jeudi 19 septembre 2019

Jean Baret - Vie™

Jean Baret 

Vie™ (Trademark - 2)

Ed. Le Bélial' 


Après l'énorme baffe du premier volume de la trilogie "Trademark", j'ai volontiers tendu la deuxième joue. Et si l'effet de surprise est partiellement éventé, tout le reste y est. C'est encore une fois beaucoup de plaisir mêlé d'un peu de dégoût.

Jean Baret Vie™ Trademark Le Bélial'
L'action de Vie™ se déroule toujours dans un futur incertain. Enfoncé dans son fauteuil, unique meuble du placard qui lui sert d'appartement, l’œil rivé sur le décompte de son temps mensuel d'amitié, d'amour, de travail, de loisirs, X23T800S13E616 fait tourner des cubes. C'est un métier comme un autre. Son quotidien est une ritournelle, les jours se suivent et se répètent, alors que son unique réalité passe par le prisme de ses lentilles visuelles et appareils auditifs connectés, gérés par des algorithmes qui décident de ce qui est bon ou non pour lui et lui imposent, à grand renfort de formulaires auto-remplis spontanément générés, toutes sortes de séminaires insensés. Son seul salut, tous les soirs il se suicide. Jusqu'au lendemain. Et ainsi de suite.

Ce roman à chute, à lire comme une fable morale ou nihiliste, nous fait partager la prise de conscience de ce citoyen et son envie de changer les choses. De refaire le monde. De le révolutionner.

Bonheur™ dénonçait une société de la surconsommation, Vie™ enfonce le clou avec celle de la servitude volontaire, de la dépendance totale aux algorithmes et aux intelligences artificielles. Entres autres points communs, les deux romans brossent un portrait amer de nos déviances sociales et usent d'un ton résolument cru. La sexualité est omniprésente, violente et exacerbée. L'univers qu'ils développent est aussi cohérent qu'effrayant et compte autant de références à la culture populaire qu'à des préceptes philosophiques, sociaux ou spirituels. Mais malgré leurs similitudes formelles et thématiques, ils proposent chacun une histoire complète et indépendante. Aussi irrévérencieux et incorrect que pour son précédent livre, Jean Baret prend encore le parti de la bousculade pour inviter à réfléchir à nos travers et à la direction que nous prenons, bon gré mal gré. Le gars est brillant, lucide, il réfléchit juste et il a trouvé un mode d'expression qui frappe fort.

Reste à voir maintenant quel angle il adoptera pour aborder, dans Mort™, le troisième et dernier point de la trilogie, la religion.

mercredi 31 juillet 2019

Jean Baret - Bonheur™

Jean Baret 

Bonheur™ (Trademark - 1)

Ed. Le Bélial' 


Que les choses soient bien claires, je n'ai pas acheté ce livre !

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Est-ce un détail d'importance ? Oui. Je vais y venir. Mais avant ça, je tiens d'abord à préciser, et c'est une grande première pour moi, que je ne l'ai pas lu mais écouté. Il sera donc question du livre, mais dans son interprétation par Frédéric Kneip.

L'action de Bonheur™ se déroule dans un futur incertain et nous fait partager le quotidien de deux policiers de la section "Crimes à la Consommation", Toshiba et Walmart. Le premier, gravement neurasthénique, gobe des antidépresseurs à longueur de journées et, quand il ne parie pas sur la tournure des faits divers ou des conflits internationaux, passe volontiers ses nerfs en tabassant sa femme, un robot. Le second, une montagne de muscles hypertrophiés, s'injecte toutes sortes de produits anabolisants, se gave de pilules de toutes les formes, toutes les couleurs, et fréquente autant les putes qu'il mate de porno. Et les deux consomment copieusement. C'est d'ailleurs l'unique contrainte dans leur vie et celle des citoyens. La société entière fonctionne sur la consommation et se voit régulièrement rappelée à l'ordre : "Avez-vous consommé ?" Et quiconque enfreint cette loi voit débouler nos policiers.

Ce roman sur certains des maux profonds de la société, sur la publicité à outrance, sur le sponsoring, sur la seule politique qui persiste, celle de la surconsommation, n'est pas réellement à lire pour la mince affaire de fonds occultes qui sert de fil à l'intrigue. En revanche, il construit un univers incroyablement cohérent et d'autant plus effrayant qu'il est particulièrement crédible. Le contexte est entre autre développé à travers le débat d'actualité "The Shot Heard Round the World" que les personnages subissent au quotidien. Les hologrammes de spécialistes débattent de sujets parfois idiots, parfois malins, toujours révélateurs de la société. L'émission revient souvent, son titre est systématiquement répété, comme pour enfermer le lecteur et les personnages dans une routine. D'ailleurs, les jours se répètent, toujours les mêmes, avec ses rituels immuables et ses longues énumérations ponctuelles. En cela, il y a clairement un parti pris dans la forme et c'est un choix ambitieux et sacrément risqué. Un choix qui paye, à mon avis, en particulier lu de la voix profonde et hypnotique de Frédéric Kneip. À ce sujet, si je suis généralement sensible à la langue et à la manière dont un livre est écrit, je peux affirmer qu'il est très bien interprété mais j'aurais du mal à me prononcer en ce qui concerne la plume de Jean Baret.

Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'il est choquant. Il exploite nos travers contemporains pour nous faire réfléchir et n'hésite jamais à être cynique, grinçant, incorrect et à salement bousculer le lecteur. Et c'est totalement jouissif !

Transposition romanesque des travaux de Dany-Robert Dufour sur la pléonéxie - le philosophe signe d'ailleurs une postface intéressantes et très éclairante - Bonheur™ est le premier volet de la trilogie "Trademark". Le roman est complet et peut se lire indépendamment mais la thématique est à creuser dans le prochain épisode, Vie™.

Un grand merci à Lune qui m'a offert ce livre et grâce à laquelle je n'ai pas consommé. Quant à Gepe, Yogo, Celindanae, Gromovar, Lorhkan et Le Chroniqueur, je crois qu'ils ont tous collaboré au système en place. Non pas que je veuille balancer mais...