Pierre Bayard
Œdipe n'est pas coupable
Ed. Minuit
Je suis une véritable fée du logis. Disons que si faire le ménage n’a jamais été un problème pour moi, je préfère surtout passer un coup de serpillère plutôt que de vivre dans un appartement sale. Mes sols sont rutilants et on ne trouve notamment pas le moindre grain de poussière chez moi. C’est du moins ce dont j’étais persuadé jusqu’à ce que je remette la main sur mon vieil exemplaire de Œdipe roi de Sophocle. Il faut dire que je n’y avais pas mis le nez depuis bien longtemps. J'ai respiré son odeur caractéristique, repassé un coup de chamoisine sur toute ma bibliothèque pour avoir l’esprit tranquille, puis je me suis replongé dans cette tragédie grecque histoire de me rafraîchir la mémoire avant de me lancer dans son analyse par Pierre Bayard.
Il y a deux mille cinq cents ans, le fameux dramaturge grec confrontait son protagoniste, Œdipe, à un destin terrible : tuer son père et souiller le lit de sa mère. Coupable de ces deux crimes, il se crève les yeux et quitte la cité, banni. Coupable ? C'est une affirmation dont tout le monde se satisfaisait depuis l'antiquité. Mais c'était sans compter sur l’auteur de Comment parler des faits qui ne se sont pas produits qui n’est pas homme à se contenter d’une vérité généralement admise et qui aime, plus encore que votre serviteur, dépoussiérer les affaires que d'aucuns considèrent comme classées.
L'essayiste a ainsi relu la pièce de Sophocle d'un œil nouveau, faisant abstraction de la version officielle et remettant à l'examen la culpabilité de son personnage principal. Toujours aussi brillant, érudit, ludique, inattendu et plus que jamais rompu à la critique policière, il a appliqué les techniques qui avaient déjà fait leurs preuves contre William Shakespeare, Arthur Conan Doyle et par deux fois Agatha Christie. Mais il va cette fois-ci un peu plus loin. En effet, non content d'apporter la vérité quand aux évènements, de laver la culpabilité d’Œdipe et de confondre le / la vrai(e) coupable, il s'interroge sur les raisons qui ont conduit les lecteurs à accepter une accusation si bancale d'une part et Freud d'en faire une telle surinterprétation d'autre part. Partant de là et s'attaquant de fait au complexe auquel ce cas a donné son nom, il ébranle les fondements de la psychanalyse moderne et va jusqu'à remettre en question tout le peuple grec, dont l'identité est construite sur les bases d'une mythologie erronée et qui se voit dorénavant condamné à vivre dans l'errance, privé de l'une de ses légendes majeures.
C'est ce qui s'appelle faire le grand ménage.
SI je mets à lire ceux-là aussi, je n'ai pas assez d'heures dans 24h...
RépondreSupprimerAlors il va falloir faire l'impasse sur d'autres livres, je ne vois que ça...
SupprimerJe crois que cette histoire de la culpabilité d'Oedipe était toute une affaire quand j'ai étudié Oedipe roi en terminale L... Et ce n'était pas si net. Ce bouquin a l'air super intéressant.
RépondreSupprimerEn effet, la culpabilité d’Œdipe est une vieille histoire qui avait déjà fait couler pas mal d'encre. Mais personne, à ma connaissance, n'avait jamais poussé le raisonnement aussi loin que Pierre Bayard.
SupprimerJ'ai aperçu La Vérité sur « Ils étaient dix » en librairie hier, du coup j'ai jeté un œil à la bibliographie de Bayard: c'est particulier, mais ça a l'air chouette!
SupprimerC'est TRÈS chouette !
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