Joseph Incardona
Chaleur
Ed. Finitude
Le temps est détraqué. Le mois de novembre est bien entamé et je n'ai encore ressorti ni mon duffle-coat, ni mon écharpe, ni mon bonnet. On ne sait plus comment s'habiller, ma bonne dame.
Comment s'habiller ? C'est pourtant simple : un maillot de bain ordinaire dont la longueur n’excède pas 20 cm de longueur pour les hommes ou dont les bretelles de soutien-gorge n'excèdent par 5 cm de largeur pour les femmes. Une queue-de-cheval si les cheveux atteignent les épaules. C'est tout. Dans cette tenue, vous êtes paré pour affronter une température de 110°C. Un demi-litre d'eau est versé sur le poêle toutes les 30 secondes. Le dernier à quitter le sauna est déclaré vainqueur.
S'inspirant d'un drame survenu aux championnats du monde de sauna en 2010, Joseph Incardona imagine le match (?) qui oppose cette année encore le champion en
titre, Niko, star finlandaise du porno et triple vainqueur de l'épreuve, et Igor, ancien
militaire russe et éternel challenger. Sous couvert du récit de cette compétition, le livre va au-delà et prend des allures de roman noir, s'inscrivant dans une réalité sociale et portant un discours critique. Il ambitionne ainsi d'étudier le phénomène et de comprendre ce qui pousse des compétiteurs que tout oppose à faire preuve d'une motivation qui dépasse l'entendement.
Le temps de l'évènement, le sauna, lieu habituel de relaxation, de détente physique et mentale, devient donc le théâtre d'un huis-clos oppressant et dangereux. En effet, Niko et Igor, qui s'enferment dans une pièce pour savoir, au
risque de se brûler, lequel sortira en dernier, font plus que résister à la chaleur. Ils partagent un
désir aveugle et, mettant en scène plus que le simple titre, jettent toutes leurs forces dans la bataille. Fidèle à son style, l'auteur de Derrière les panneaux... met
ainsi en scène des personnages à la fois caricaturaux et pourtant
croqués avec une certaine forme de subtilité et d'humanité. En ajoutant une dimension psychologique à cette tragédie à la narration syncopée, il évite les écueils et parvient à ne pas la rendre aussi vaine que la compétition qu'elle analyse. Au contraire, il fait de ses protagonistes, avec sérieux mais non sans humour, les nobles héros d'un combat que le commun des mortels ne peut qu'admirer, quand bien même il ne peut pas les comprendre.
Quant aux championnats du monde de sauna, je suis au regret de vous annoncer que cette compétition n'existe plus depuis la tragédie de 2010.
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