Walter Tevis
La couleur de l'argent
Ed. Gallmeister
En 1959, Walter Tevis entame sa carrière de romancier avec L'arnaqueur, un livre mettant en scène un jeune prodige du billard, rongé par ses névroses et ses interrogations sur la mentalité des vainqueurs. Vingt-cinq ans plus tard, en 1984, l'année de sa mort, il publie son dernier roman, La couleur de l'argent, suite et fin des péripéties d'Eddie Felson. Entre les deux, vingt-cinq ans ont passé et le personnage a vieilli d'autant. C'est donc un quinquagénaire que l'on découvre dès les premières pages du livre. Il dirige désormais une salle de billards mais a lui-même remisé sa queue, vivant sur la légende qui auréole son passé et le souvenir de sa victoire sur Minnesota Fats.
Quand une société de production l'approche et lui propose d'organiser et de filmer pour la télévision une série de rencontres contre son fameux dernier adversaire, il accepte de se repencher sur le tapis vert. Mais force est de constater que le temps a fait des ravages : il n'est plus que l'ombre du joueur qu'il était autrefois et s'incline à chaque partie. Le revoilà renvoyé à la fois face à ses démons et à une dure réalité. Il décide alors de se reprendre en main. Mais n'est-il pas déjà trop tard ? Est-ce seulement possible ? Et si oui, à quel prix ?
Quel plaisir de retrouver Eddie Felson ! Ce roman est la digne suite du précédent, construit autour de rencontres immersives et d'un impressionnant travail d'introspection. Les matchs et les conversations entre Fats et Eddie, entre un homme d'une grande aisance et un autre dévoré par le doute, sont empreints d'une subtilité profonde et constituent une riche source de réflexion. L'antagoniste, qui n'en est d'ailleurs pas réellement un, est un personnage passionnant, serein, qui va pousser Eddie à s'accomplir, à se révéler. Leur confrontation est stimulante au possible, inspirante. Bizarrement, au milieu de cette histoire pourtant assez resserrée, l'auteur se disperse vaguement avec une intrigue secondaire tournant autour d'un commerce d'œuvres d'art. Je n'ai pas très bien compris ce que ce second arc narratif venait faire là, toujours est-il qu'il n'occupe qu'une part anecdotique dans un livre parsemé d'excellents personnages et ponctué de scènes d'anthologie et de fulgurances. Un livre qui, par ailleurs, marque le point final d'une œuvre essentielle pour les aficionados de romans de genre - et, spécifiquement, pour les amateurs de littérature dépressive.
Le "fun fact" qu'il ait commencé et terminé sa carrière par ce même personnage est assez incroyable et tellement satisfaisant.
RépondreSupprimerComme tout ce qu'a écrit Walter Tevis, j'essayerai de le lire un jour.
Il boucle sa carrière littéraire comme il l'avait entamée, en beauté !
SupprimerJe ne peux que t'inviter à lire les deux volets de ce diptyque. Quant à lire tout ce qu'il a écrit, ce ne sera pas très difficile : sa bibliographie se résume à six romans et à une poignée de nouvelles.
Ca me fait penser que j'ai toujours Le jeu de la dame dans ma PAL. ;-)
RépondreSupprimerTu sais ce qu'il te reste à faire...
SupprimerJe me rappelle avoir eu récemment plaisir à revoir le FILM La couleur de l'argent (1986, avec Tom Cruise et Paul Newman), lui-même "suite" du fil L'arnaquer de 1961 avec Paul Newman...
RépondreSupprimerMais je vois en lisant votre billet que les scénaristes ont relégué quelque peu au second plan le "[i] come back" de Newman (réplique finale), qui semble le principal du roman si je comprends bien... Ne me reste plus qu'à lire les deux bouquins pour les comparer à leurs adaptations cinématographiques, merci pour l'idée!
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Le film est une adaptation très, très libre du roman. A part le personnage principal, on n'y retrouve pas grand chose. De fait, les deux sont bons mais pour des raisons différentes !
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