vendredi 28 février 2025

Patrick K. Dewdney - La maison des veilleurs

 Patrick K. Dewdney 

La maison des veilleurs (Le cycle de Syffe, tome IV)

Ed. Au Diable Vauvert 


Patrick K. Dewdney La maison des veilleurs Le cycle de Syffe Au Diable Vauvert
Depuis le début, l'ambition de Syffe est constante : s'efforçant d'être honnête, il entend rédiger un témoignage personnel. Mais ce récit n'étant pas uniquement le sien et l'honnêteté charriant ses propres vices, un tel procédé sous-entend autant de subjectivité que de parti-pris. Ses mémoires servent donc à établir la vérité. Du moins la sienne.

Cette vérité est celle du jeune homme que nous commençons à bien connaitre, désormais à la tête d'une troupe d'élite qu'il a constituée pour le compte du primat de Bourre et qui remplit les missions délicates que celui-ci lui confie. C'est dans ce contexte, gérant ses hommes tout en obéissant à ceux pour lesquels il travaille et tâchant d'allier loyauté et indépendance, qu'il se retrouve impliqué dans des luttes de pouvoir et dans un immense jeu de manipulation. Quant à savoir qui manipule qui, c'est là toute la question.
"Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été fasciné par l'altérité. Si l'on doit à tout prix y chercher un sens, il me semble que - pour bien des raisons - mon histoire parle bien davantage de cela que de n'importe quoi d'autre. L'une de ces raisons tient en peu de mots : c'est à l'aune de la différence que je me suis forgé."
Portant toujours en lui cette fêlure, cette soif sourde pour l'affection ou la reconnaissance de ses semblables, Syffe se questionne beaucoup. Aussi, comme dans les volumes précédents (iciici et ici), il évolue au gré des évènements ou des rencontres et partage volontiers ses interrogations et ses doutes, quand bien même il a grandi, gagné en maturité et qu'il est de plus en plus maître de son destin. Entre certitude, assurance et circonspection, le récit laisse donc la part belle au travail d'introspection, au milieu duquel viennent régulièrement se greffer des scènes plus mouvementées, les unes et les autres étant toujours servies par une plume incroyable de richesse et de précision.

Patrick K. Dewdney confirme encore une fois son immense talent de conteur, de paysagiste, de styliste et de sondeur d'âmes. Oui, tout cela à la fois.

D'autre avis ? Hop ! Anudar, Gromovar, Le Nocher des Livres, Boudicca...

mercredi 26 février 2025

San-Antonio - "Y a-t-il un français..." & "Les clefs du pouvoir..."

En 1949, Frédéric Dard créé le commissaire San-Antonio. Le personnage passant pour être l'auteur de ses propres aventures, seul son nom figure sur la couverture des - presque - 200 volumes. Par ailleurs, l'auteur Berjallien publie sous son vrai patronyme de nombreux romans qui ne s'inscrivent pas dans la série. Mais voilà que trente ans plus tard, en 1979, il signe pour la première fois du nom de San-Antonio une fiction qui ne met pas en scène le commissaire ! Frédéric Dard aurait-il disparu derrière San-Antonio ? Et, si oui, pour quelle raison ? Avant de tenter de répondre à cette question, commençons par voir ce qu'il y a dans ce volume - ainsi que, par la même occasion, dans sa suite, parue deux ans plus tard...

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San-Antonio Y a-t-il un français dans la salle ? Fleuve Noir
San-Antonio 

Y a-t-il un français dans la salle ? 

Ed. Fleuve Noir


Le Président Horace Tumelat, une personnalité influente, dirigeant d'un parti politique puissant, voit son passé ressurgir lorsqu'il apprend le suicide de son oncle Eusèbe. Toutes affaires cessantes, le voici en route pour la maison du défunt. Pourtant, il n'est pas du genre sensible et n'avait pas même revu le vieil homme depuis longtemps. Mais Eusèbe gardait un secret - ou, pour être plus précis, il était le gardien de celui du politicien. Ce dernier, en route pour la dernière demeure de son oncle, ignore encore que sa vie est sur le point de basculer radicalement. Il s'apprête à ouvrir les yeux et à enfin se conformer à ce que lui dicte sa conscience civique. Après de nombreuses épreuves et une rencontre déterminante, il lui restera du moins la satisfaction de se sentir un homme. 
"J'ai cinquante-huit ans, monsieur Michegru, montre en main ; c'est l'âge de l'ultime choix. Ou bien je décide de commencer à mourir ; ou bien de commencer à vivre."
À travers le parcours du Président et les rôles de protagonistes au comportement débridé auxquels il va être confronté, l'auteur dresse le portrait au vitriol de la politique d'une époque, et aussi bien ceux qui la font que ceux qui la subissent. C'est l'occasion d'offrir une démonstration impressionnante de sa maîtrise des registres de langues, de leurs différents niveaux et de leurs subtilités. Qu'il s'exprime par la bouche de Tumelat pour tenir des discours politiques ou qu'il donne la parole aux petites gens pour s'exprimer avec la simplicité qu'on peut en attendre, qu'il use de son humour acerbe ou cède à un ton plus atrabilaire, ses réflexions sur la société sont justes. Les réparties sont bonnes, les dialogues sont ciselés et ils ont du sens. Fidèle à son habitude, l'auteur n'épargne pas le lecteur et le prend même régulièrement à partie, à grands coups d'argot et de provocations. Il est au sommet de sa forme.
"Et puis merde, c'est comme ça. Si tu veux écrire ce bouquin à ma place, ne te gêne pas, je te laisse la plume toute chaude et des rames de faf."
L'intrigue, qui met en scène une distribution bigarrée et qui comporte son lot de rebondissements imprévisibles et d'accroches de fin de chapitre, conduit un lecteur stupéfait vers une chute qui ne peut laisser de marbre et qui, si elle n'appelle pas nécessairement de suite, en appelle nécessairement une tout de même.

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san antonio les cles du pouvoir sont dans la boîte à gants fleuve noir
San-Antonio 

Les clefs du pouvoir sont dans la boîte à gants 

Ed. Fleuve Noir 


Un an s'est écoulé depuis les évènements du roman précédent. On retrouve peu ou prou les mêmes personnages mais à des places souvent diamétralement opposées à celles qu'ils occupaient auparavant : Ginette Alcazar, l'ancienne secrétaire dévouée est maintenant incarcérée, Eric Plante, de maître-chanteur est devenu l'homme de confiance du Président, et Noëlle Réglisson, qui assume finalement les dommages collatéraux de la comédie dramatique du premier volume. Quant à Horace Tumelat, il s'interroge.
"Mon existence n'a été qu'un long malentendu avec moi-même ; si je ne trouve pas très vite ma vraie démarche, il ne me sera plus possible d'aller encore bien loin."
Les cartes rebattues, la partie peut reprendre - les enjeux ne sont toutefois pas très éloignés, ni pour les personnages, qui cherchent à tirer leur épingle du jeu, ni pour l'auteur, qui poursuit son analyse de la politique française. Le constat est sans appel : à l'image des personnalités réelles que l'on peut deviner sous le vernis de certains protagonistes, les personnages sont opportunistes, intéressés et bien souvent déviants. Ils sont humains, quoi. Autant dire que les pages de ce roman, digne suite du précédent, sont noircies au pessimisme. À moins qu'elles ne le soient à la lucidité ?

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Finalement, Frédéric Dard a-t-il disparu derrière San-Antonio ? Sans doute. La quatrième de couverture du premier volume, dans son édition originale tout au moins, clame que le monde attendait cette jonction. Honnêtement, je ne sais pas si le monde l'attendait autant que l'auteur et son éditeur. En effet, même si cette jonction marque un virage hautement symbolique, je crois que la raison est tout bêtement commerciale. Ceci dit, si elle a permis au romancier de toucher un public plus large et de mettre un bon livre entre les mains de lecteurs qui n'y seraient pas venus sans cela, où est le mal ? 

lundi 24 février 2025

László Krasznahorkai - Petits travaux pour un palais

László Krasznahorkai 

Petits travaux pour un palais 

ed. Cambourakis 


Melville, Moby Dickici ou ailleurs, je vous ai déjà suffisamment rabattu les oreilles avec tout ça. Pas d'inquiétude, je ne remettrai pas le couvert ici. Bref, vous qui ne visitez pas cette adresse pour connaître les obsessions de son taulier ou vous qui les cernez déjà, je vous invite à passer directement au paragraphe suivant. D'ailleurs, celui-ci est terminé. Dont acte.

László Krasznahorkai Petits travaux pour un palais Cambourakis
J'ai tourné la dernière page de ce court livre de László Krasznahorkai, chantre du postmodernisme, multiprimé, adoubé par Imre Kertész et régulièrement cité parmi les auteurs susceptibles de recevoir le Nobel de Littérature, avec l'envie d'y revenir. Si j'avais jusqu'alors beaucoup tourné autour de ses livres, je n'avais encore jamais sauté le pas. Jusqu'à celui-ci, consacré à l'un de mes sujets de prédilection : Herman Melville. Pourtant, le romancier américain n'est pas vraiment au centre du récit, comme nous allons le voir.

Composé d'une seule phrase longue d'une centaine de pages, Petits travaux pour un palais nous fait suivre les pensées d'herman melvill (en minuscule et sans "e" final), un bibliothécaire plutôt terne et qui rêve, en grand et en fou, d'une immense bibliothèque fermée au public et dont il serait à la fois le gardien et l'unique usager. Il faut dire qu'il aime autant les livres qu'il déteste ses concitoyens. Il porte un costume gris, parfois marron, se plaint d'un affaissement de l'arche interne du pied, ce qu'il répète à l'envi, et sa vie est rythmée par ses complexes et ses lubies, dont celles pour les romanciers Herman Melville et Malcolm Lowry ou bien pour l'architecte Lebbeus Woods. Qu'on se promène dans la bibliothèques ou qu'on déambule dans les rues de New York, c'est surtout dans la tête du narrateur que l'on tourne en rond. Notre guide se plait à nous y perdre, quand bien même il en connait les plans par cœur et sait exactement où il nous emmène.

Avec cet hommage à la création artistique doublé d'une apologie de la manie dévorante, le romancier hongrois prouve le temps d'un monologue rythmé qu'il peut falloir bien plus qu'un paradoxe pour entraver une passion ou démolir un rêve extravagant. Car tant que les projets prennent vie dans la tête de ceux qui les échafaudent, même irréalistes, ils sont réels. Ainsi, cette bibliothèque inaccessible au commun des mortels et renfermant toutes ces richesses existe quelque part. Et même en plusieurs endroits : dans la tête de l'auteur et dans celle de ceux qui l'ont lu. Et maintenant un peu dans la vôtre.

vendredi 21 février 2025

Yuval Noah Harari - Homo deus

Yuval Noah Harari 

Homo deus - Une brève histoire du futur 

Ed. Albin Michel 


Yuval Noah Harari Homo Deus Albin Michel
Quatre ans après un premier volume, Sapiens, consacré à une brève histoire de l'humanité, Yuval Noah Harari revient avec ce que l'on pourrait qualifier de prolongement du précédent : une projection vers le futur. Inutile d'avoir lu l'un pour s'aventurer dans l'autre, l'auteur prend largement le temps de revenir sur ce qu'il avait auparavant détaillé. Et c'est d'ailleurs le principal reproche que je pourrais formuler. Un reproche ? N'exagérons rien. Qui suis-je pour reprocher quoi que ce soit à cet historien, diplômé d'Oxford et universitaire ? Personne de qualifié, j'en ai bien conscience. Troquons alors "reproche" contre "critique". Voilà qui est mieux. Il ne s'agit là, bien entendu, que d'un avis de lecteur - un lecteur enthousiaste qui plus est. Rien de plus. Bref.

Dans cet essai, donc, l'auteur tente d'identifier dans quelle direction la société se dirige et d'imaginer l'avenir probable de ses concitoyens. Il commence en toute logique par proposer un état des lieux de la situation et par remettre Sapiens - nous - dans son contexte. Il en retrace le parcours et aborde de nouveau des thèmes précédemment abordés : l'imagination, la coopération, les croyances, la politique, le progrès, le rapport au vivant... autant de sujets qui créent donc un sentiment de redite pour quiconque aurait lu le premier volume. Ainsi, il refait le fil de l'histoire - et se répète, moi de même - avant de s'interroger sur les projets de l'humanité et de finalement longuement s'attarder sur les nouvelles technologies, l'émergence des intelligences artificielles, leur démocratisation ou encore l'aliénation et la rupture d'ordre anthropologique annoncées. Au passage, il égraine des informations que le lecteur est souvent obligé de croire sur parole tant elles semblent invérifiables ou peu étayées. Par ailleurs, il n'est pas toujours aisé de relier toutes ces données les unes aux autres. Harari a en effet une certaine tendance, du moins dans cet essai, à sauter du coq à l'âne et à disperser ses réflexions sans lien évident avec le fil de sa pensée. Voici pour un complément de reproche (sic).

Mais il faut bien reconnaître que, malgré les points évoqués ci-dessus, Homo deus offre une lecture plutôt enthousiasmante. L'auteur a le sens de la formule et la fluidité de sa langue rend l'ouvrage incroyablement digeste, en particulier au regard de la quantité d'informations qu'il contient. Par ailleurs, une bonne partie de sa réflexion étant basée sur de simples observations, Yuval Noah Harari propose au lecteur attentif de s'y investir. En effet, il l'invite à prendre conscience de son environnement, à s'interroger sur son comportement et sur son (in)action vis à vis de la marche de la société. De fait, au-delà de composer une simple somme d'érudition accessible, Harari a le mérite de pousser - ou du moins de chercher à le faire - de pousser, disais-je, le lecteur à identifier le bien du moins bien dans son environnement. Libre ensuite à chacun d'en faire ce que bon lui semble.

Car ne l'oublions pas : quand les générations futures se demanderont comment leurs aïeux ont pu forger cette société et leur laisser une telle situation, c'est à nous qu'ils feront allusion.

mercredi 12 février 2025

San-Antonio - N'en jetez plus !

San-Antonio N'en jetez plus Fleuve Noir
San-Antonio 

N'en jetez plus ! 

Ed. Fleuve Noir 


Installé dans un avion pour Israël à côté d'un Béru déguisé, tout comme lui, en juif, San-Antonio se remémore le discours du Patron et tente de comprendre les raisons pour lesquelles ce dernier peut bien les avoir envoyés en Terre Sainte : les services compétents ont retrouvé la trace de Von Chichmann, le fameux bourreau nazi. Or, contre toute attente, nos deux héros doivent veiller à ce qu'il ne lui arrive rien. Leur mission est simple : s'assurer qu'il reste en vie ! 
"Mes chers amis, je vous ai réunis pour vous charger d'une affaire extrêmement délicate. Je vous préviens tout de suite qu'aucune autre ne m'a jamais autant tenu à cœur que celle-ci. Il faut que vous vous surpassiez. J'attends de vous des prouesses."
Malheureusement, San-A ne pourra pas aller beaucoup plus loin dans sa réflexion car, à peine l'avion a-t-il décollé que des pirates de l'air tentent de s'emparer des commandes. Dans la bataille, le pilote trouve la mort. Le co-pilote également. Il faut parer au plus pressé et faire atterrir l'avion.

Entre ce détournement de vol, un crash aérien, des courses poursuites, des fusillades et des bastons, nos protagonistes n'auront finalement que peu l'occasion de s'interroger sur les motifs de leur mission. L'auteur lui-même semble rapidement ne plus y penser, trop occupé sans doute à mener tambour battant une intrigue en partie basée sur des quiproquos d'ordre religieux ou culturels et dont le point d'orgue est la rencontre entre Alexandre-Benoît et un Bérurier de la branche irakienne - et prénommé Akel-Brâkmâr. Comment est-ce possible ! Un Bérurier musulman ! Un Bérurier qui ne mange pas de porc et surtout, surtout, SURTOUT, un Bérurier qui ne boit pas d'alcool ! Comment est-ce possible alors que leur aïeul commun, originaire de Saint-Locdu-le-Vieux, est mort d'une cirrhose ! Il va falloir en discuter autour d'un coup de jaja ! Et remettre le malheureux dans le droit chemin. Autant dire qu'aucun éditeur aujourd'hui ne laisserait passer une scène comme celle-ci, pour cause de censure ou par peur des représailles... Pourtant, quelle rigolade ! Et quelle langue, encore une fois !

Et Von Chichmann dans tout ça ? Ah... il faudra attendre les dernières pages pour tout comprendre !


 
Et pour suivre l'avancée de ma lecture complète des aventures du commissaire San-Antonio, cliquez sur le sourire de l'auteur !

mardi 11 février 2025

Michael Crichton - Sphère

Michael Crichton 

Sphère 

Ed. Robert Laffont 


Michael Crichton  Sphère  pocket Robert Laffont
J'ai été adolescent. Et quand j'étais adolescent, j'ai lu La Nuit des Temps. Depuis ma lecture de ce livre, le temps, justement, a fait son travail sur ma mémoire. Pas suffisamment toutefois pour que les similitudes entre le roman de Barjavel et celui de Crichton ne me sautent pas au visage : alors que le roman du français met en scène des scientifiques qui explorent à de grandes profondeurs une construction dont on ignore tout, celui de l'américain met en scène des scientifiques qui explorent à de grandes profondeurs une construction dont on ignore tout. Oui, c'est pareil.

Pour autant, il faut être honnête, les similitudes s'arrêtent là. Quant à la notion d'emprunts, mieux vaut ne pas être trop sévère avec Crichton quand on sait que Barjavel a lui aussi sa propre polémique vis-àvis de La Sphère d'or d'Erle Cox. Bref, emprunts ou inspirations, il y a matière à débat - un débat que je ne comptais pas particulièrement ouvrir ici. Donc, pour la seconde fois : bref.

Si le romancier français axe son intrigue autour d'une histoire d'amour, celle-ci est absente du roman de l'américain. L'amour est ici remplacé par de l'action en veux-tu-en-voilà. Une fois les personnages présentés, la situation posée et les inévitables poncifs cochés, les péripéties invraisemblables s'enchaînent. Bientôt, chaque scène d'action n'est plus là que pour succéder à la précédente, ou plutôt pour réduire l'effectif de la mission et la liste des protagonistes. Car, en lieu et place d'un roman scientifique, nous avons là affaire à un thriller dont la vraie question est de savoir qui sera le dernier survivant. Quelques thématiques pourtant prometteuses s'invitent au fil des pages, comme le premier contact ou le voyage dans le temps, mais aucune n'est exploitée à hauteur de ce que l'on pouvait en attendre. 

Ceci dit, durant un bon tiers du livre, le roman est diablement efficace et sa construction fait très bien son effet : les pages se tournent toutes seules. Mais, finalement, les accroches de fin de chapitres et les rebondissements finissent par lasser et surtout par laisser apercevoir le vide qu'ils dissimulent. J'en suis même venu à espérer que, lors de son attaque, le poulpe géant aurait le dernier mot.

D'autres avis ? Hop ! Nomic, Le Chien Critique...

Et pour faire le point sur ce challenge, c'est ici.

mercredi 29 janvier 2025

Maurice Limat - Les Enfants du Chaos

Maurice Limat Les Enfants du Chaos anticipation Fleuve Noir
Maurice Limat 

Les Enfants du Chaos 

Ed. Fleuve Noir 


Parti pour une reconnaissance scientifique interstellaire de grande envergure, le Spationef 27 est parvenu aux limites de l'Univers exploré ! Pour la première fois de son histoire, l'homme s'aventure au-delà du puits de l'espace, dans un monde peu compréhensible. Mais voilà, faute de repère, le navire semble perdu, son équipage également. La tension est à son comble et les deux hommes forts du vaisseau en viennent au main. D'un côté, le capitaine Hugues, commandant du navire ; de l'autre, le docteur Marcus, chef de l'expédition. Rien ne va plus.

Malgré leurs différents, les deux protagonistes n'auront d'autre choix que de se serrer les coudes face à cette situation désespérée. Car ils s'apprêtent à plonger dans un environnement différent, entrainant avec eux un lecteur... abasourdi. Car, une fois le contexte posé, le roman bascule rapidement de la conjecture romanesque à l'extrapolation métaphysique. Alors, l'auteur, à l'image de ses personnages, "sujet à une griserie hallucinatoire" ou comme "sous l'effet, par exemple, des alcaloïdes du pavot, traités en opium, morphine ou héroïne, ou du peyotl mexicain", se laisse aller à des délires mystiques pour le moins étonnants et parfois difficiles à suivre...

Et pour faire le point sur ce challenge, c'est ici.





Et pour suivre l’avancée du projet Objectif "231", cliquez sur la fusée !

FNA n°141

vendredi 3 janvier 2025

Mircea Cărtărescu - Théodoros

Mircea Cărtărescu 

Théodoros 

Ed. Noir sur Blanc 


Mircea Cărtărescu théodoros noir sur blanc
Alors que mon année 2019 a été marquée par la lecture de Solénoïde, j'aurais aimé pouvoir dire que 2024 l'a été par celle de Théodoros. Hélas, non. Pourtant, la liste de ce que l'on peut en retenir est longue. Mais je crains que mon état de fatigue - chronique - n'ait eu le dessus sur la complexité de l'ouvrage. Evidemment, vous n'êtes pas ici pour essuyer le décompte de mes heures de sommeil, peu nombreuses et de piètre qualité, et encore moins pour m'entendre vous expliquer ce qui perturbe le repos dont j'aurais tant besoin. Bref.

Nous sommes au XIXème siècle. Évoluant dans l'aristocratie roumaine, bien que n'en étant pas issu, Teodor rêve de devenir empereur. Les légendes chantées par sa mère ne sont pas complètement étrangères à cette singulière ambition. Le roman, à travers une série de courriers et par le biais de nombreuses digressions, nous fait suivre l'ascension et la chute de celui qui se fera appeler Téwodros II et qui, sous ce titre, gouvernera l'Éthiopie.

Tour à tour pirate, souverain ou moins que rien, le protagoniste évolue sous la plume d'un auteur exalté. L'auteur, d'ailleurs, parlons-en ! Romancier et poète, critique et théoricien littéraire à ses heures, Mircea Cărtărescu est surtout l'auteur d'une œuvre majeure, aussi difficilement qualifiable qu'hautement nobélisable - pour preuve, ce dernier livre qui pourrait à lui-seul caractériser les deux adjectifs ci-dessus. Si "hautement nobélisable" n'engage que moi, encore que, "difficilement qualifiable" est paradoxalement plus simple à démontrer : à la croisée des chemins entre le tableau historique et l'envolée romanesque, entre la prose poétique et une trame ancrée dans le réel, Théodoros est le récit librement arrangé de la vie d'un homme d'état de la Corne de l'Afrique. Sans qu'on sache jamais exactement ce qui tient de l'affabulation ou de l'authenticité, il met en scène des personnages tous plus invraisemblables les uns que les autres, de par le globe et dans des décors baroques, face à des situations folles et extraordinaires. Ainsi, fantasme, psychanalyse et politique se mêlent-ils dans un livre qu'on ne peut pas vraiment catégoriser comme roman, poème ou récit. "Difficilement qualifiable", disais-je...

Mu par une érudition semble-t-il inépuisable et une écriture qui confine au prodige, Théodoros brille par son ambition et par les moyens que l'auteur se donne pour l'atteindre. Mais une narration décousue, des phrases à rallonge aux tournures alambiquées ou encore une langue qui va bien souvent piocher dans le vocabulaire passif du lecteur font de ce livre une œuvre assez inaccessible. La lecture n'est pas aisée et, en terme de divertissement, elle n'offre qu'un faible retour sur investissement - bien que ce ne soit pas vraiment ce que je cherche tout d'abord dans un livre de ce calibre. Pour ma part, plus que le reste, c'est de la difficulté que j'y ai trouvé. Or, au regard de ma faible capacité de concentration, de ma peine à focaliser mon attention et pour les raisons évoquées dans le premier paragraphe, l'effort intellectuel nécessaire n'a pas été à ma portée. Je m'y suis perdu.

jeudi 2 janvier 2025

San-Antonio - Des dragées sans baptême

San-Antonio Des dragées sans baptême Fleuve Noir
San-Antonio 

Des dragées sans baptême 

Ed. Fleuve Noir 


Sans prendre la peine de tourner autour du pot, le patron demande à San-A de liquider Wolf, un collègue qui a eu la mauvaise idée de trahir le service et, pire encore, sa patrie. Notre héros ne pose pas de question et s'exécute : il l'exécute.
"Enfin, quoi, quand on a choisi le métier que je fais, il ne faut pas s'attendre à broder des napperons derrière une tasse de thé."
Sauf que le traitre, au moment de rendre l'âme, annonce à son meurtrier qu'on en a après... Orsay ! San-Antonio va devoir réagir vite et avec peu d'indices. En effet, son unique source d'information gît devant lui, morte par sa main. Son enquête mettra un certain Angelino sur sa route, un "Sicilien gonflé à bloc qui a fait parler de lui sur les trois continents", le genre de mec qui "tripote un peu de tout", qui a "un accélérateur à méninges et qui inventerait n'importe quoi pour gagner du flouze".

Parsemée de cadavres, rédigée à grands coups d'argot et de figures de style, l'enquête va à toute allure, sans fioriture ni encore de personnages secondaires autres qu'un Achille de passage. L'absence des acolytes du commissaire est ici comblée par un antagoniste à la hauteur de notre héros, lequel navigue à vue dans un roman noir de facture classique, simple et efficace.


 
Et pour suivre l'avancée de ma lecture complète des aventures du commissaire San-Antonio, cliquez sur le sourire de l'auteur !

jeudi 5 décembre 2024

Stephen Markley - Le déluge

Stephen Markley 

Le déluge 

Ed. Albin Michel 


Autant je suis facilement découragé par un film de plus de deux heures, autant un livre d'un millier de pages peut m'offrir une perspective réjouissante - en particulier lorsqu'il est signé Stephen Markley. Quatre ans après Ohio, qui marquait l'entrée fracassante d'un jeune américain en littérature, voici l'écrivain prodige de retour avec une fiction climatique. 

Stephen Markley Le déluge Albin Michel
Le livre s'ouvre sur les mésaventures d'un scientifique, bientôt suivies par celles d'un autre personnage, puis d'un troisième, d'un autre et ainsi de suite jusqu'à introduire une demi-douzaine de protagonistes qui se relaieront par la suite sur le devant de la scène. Les présentations sont faites. Alors le lecteur retrouve - ou découvre - l'aisance de l'auteur pour établir sa distribution et façonner un contexte, sa maîtrise de la langue et de la forme romanesque. Quelques pages lui suffisent pour brosser des portraits convaincants, poser des problématiques sanitaires, politiques ou environnementales, dresser un décor et une situation, ceux des États-Unis des années Obama. Les cent premières pages annoncent un choc.

Mais le choc tarde à venir, si tant est qu'il se produise jamais.

En effet, si mille pages permettent à un auteur de développer son sujet, elles lui font également courir le risque de le diluer, comme c'est le cas ici. Avec la succession des parties qui composent le récit, la trame se ramollie et les personnages perdent de leur force. Ces derniers finissent même par se confondre et il est parfois difficile de les distinguer les uns des autres - quand bien même Stephen Makley varie les modes narratifs et en attribue un particulier à chacun. Alors, malgré ses efforts et une inventivité formelle qui mérite d'être saluée, l'auteur se disperse. Cette impression est accentuée par sa multiplication des intrigues secondaires. Celles-ci donnent parfois l'impression que l'auteur a peiné à trier ses idées. Certaines sont bonnes, très bonnes même, mais elles ne semblent pas toutes à leur place et emmêlent trop souvent le fil rouge, délayant l'histoire. Par conséquent, il faut s'accrocher pour rester focalisé sur le principal : la dérive climatique, religieuse, médiatique et sociale à laquelle nous sommes confrontés. L'auteur n'en fait pas que le constat, il étudie la situation et en propose une projection.

La crise annoncée est en marche.

Pour défendre la thèse de l'inéluctable, Déluge ne retient pas ses coups. Il y a fort à parier que sa démonstration, qu'il développe sur plusieurs décennies dans un futur troublant de crédibilité, parlera à chacun de nous. Plaçant aussi bien les autorités face à leurs responsabilités que les citoyens devant leur comportement, l'auteur nous rappelle que la fatalité est insidieuse et que notre destin dépend de tous. Du moins des américains. En effet, pur produit de l'Oncle Sam, Stephen Markley ne semble pas voir au-delà de ses frontières. La résolution de la problématique environnementale sera américaine ou ne sera pas ! Toutefois, la cloisonner aux limites de son pays plutôt que de l'étendre aux autres continents nous a sans doute épargné un pavé de cinq mille pages, cinq fois plus laborieux à terminer...

Malgré ses défauts, notamment des idées qui mériteraient d'être plus canalisées et un enthousiasme mieux endigué, des défauts peu nombreux mais qui alourdissent indéniablement la lecture, le second roman de Stephen Markley vient confirmer les qualités déjà présentes dans son premier livre, en particulier la capacité de son auteur à poser un regard aiguisé sur la société et une langue maniée avec brio. Ces éléments combinés à une intrigue débarrassée de ses fioritures devraient mener à une œuvre romanesque mémorable. Affaire à suivre avec son troisième livre ? 

D'autres avis ? Hop ! Weirdaholic, Just a Word, Le Maki, Le Chien Critique...