mardi 21 février 2023

Les meilleurs récits de Weird Tales (2 - période 1933/37)

Jacques Sadoul présente Les meilleurs récits de Weird Tales J'ai Lu
Jacques Sadoul
présente

Les meilleurs récits de Weird Tales (2 - période 1933/37)

Ed. J'ai Lu 


En 1933, après une première période dirigée vers les récits d'horreur ou inspirés de dark fantasy, la ligne éditoriale de Weird Tales prend une tournure plus classique et sans doute moins sombre, plus proche du fantastique. Cette période, qui dure jusqu'en 1937, date de la mort de Lovecraft, est généralement considérée comme la meilleure. Pourtant, on retrouvait déjà peu ou prou les mêmes noms au sommaire du volume consacré à la première période. Oui mais les auteurs n'avaient alors semble-t-il pas encore atteint leur maturité et il aura fallu attendre 1933 pour que les Smith, Howard et autres Hamilton ne fournissent leur meilleurs textes. Les dix nouvelles suivantes sont donc annoncées comme témoignant de cette qualité et de l'importance de celles et ceux qui les signent.

Clark Ashton Smith, La Mort d'Ilalotha 

Thulos, seigneur et amant de la reine, se rend auprès du corps d'Ilalotha, la dame d'honneur récemment passée de vie à trépas. La défunte est encore tellement belle qu'on pourrait douter de sa mort. Pourtant, son décès ne fait aucun doute - on dit même que c'est le départ de Thulos qui l'a causé.
 

Hazel Heald, Hors du temps 

Une momie exposée dans la vitrine d'un musée est au centre d'une affaire qui défraie la chronique. Le conservateur revient sur ce qui la caractérise, sur la manière "extraordinaire et inquiétante" dont elle fut découverte ainsi que sur les conditions de son acquisition par le conservateur précédent.
 

J. Paul Suter, Le Juge suprême 

Ce jour-là, comme souvent, le juge se lève de mauvais poil - sa goutte le fait souffrir. Son majordome lui annonce que le bourreau souhaite s'entretenir de bon matin avec lui au sujet de l'une des personnes qu'il a condamnées à l'échafaud : un enfant de sept ans accusé d'avoir jeté un caillou.
 

Edmond Hamilton, Les Graines d'ailleurs 

Un peintre qui vit isolé du village voit s'écraser une météorite non loin de sa maison. Il se rend sur place et découvre qu'elle renferme des graines qu'il s'empresse de planter dans son jardin. Bientôt, les pousses sortent de terre et se développent beaucoup. Surtout, elle ressemblent de plus en plus à des silhouettes.
 

Nictzin Dyalhis, La Déesse de saphir

Étrangement propulsé à travers un passage vers un royaume dont il ignore tout, un homme miséreux et solitaire réalise qu'il n'a jamais réellement été le terrien qu'il pensait mais bel et bien le roi Karan, de retour après avoir été écarté du pouvoir et envoyé vers la Terre où il était "lui mais tout à fait différent".
 

Seabury Quinn, La Farce de Warburg Tantavul

Le vieux Tantavul, sur son lit de mort, met en garde son fils quant au mariage que celui-ci projette avec Arabella, sa cousine. Mais le jeune homme n'en démord pas. Pourtant, il s'interroge sur le sens des dernières paroles du mourant. S'agissait-il d'un avertissement, d'une menace ou d'une mise au défi ?
 

Robert Bloch, Le Rôdeur des étoiles 

Le futur auteur de Psychose dresse un portrait à peine dissimulé d'H.P. Lovecraft. Dans cette nouvelle, après avoir emprunté les "sentiers ténébreux" de la littérature de genre, l'homme de Providence y arpente les librairies à la recherche de textes rares et mythiques. Parmi ceux-ci, De Vermis Mysteriis.
 

David H. Keller, Le Chat-tigre 

L'acheteur d'une maison décrépite en Italie découvre que, en même temps que la propriété dont il a fait l'acquisition, il a hérité de deux vieux serviteurs. Ceux-ci, qui sont aussi dévoués que taciturnes, travaillent au service des différents propriétaires depuis... longtemps...très, très longtemps...
 

Howard Phillips Lovecraft, Psychopompos 

Tout en alexandrins et en rimes classiques,
Dans Psychopompos, qui est un poème épique,
Suivez le seigneur de Blois et ceux de sa clique.
 

Robert E. Howard, La Citadelle écarlate

Dans cette nouvelle, que l'on retrouve dans le premier volume de l'intégrale des aventures du Cimmérien, Conan, alors roi d’Aquilonie, chute au champs de bataille. Prisonnier de la Citadelle écarlate et promis à un sort funeste, il sait que son salut ne peut venir que d'une évasion.

Présenté comme couvrant la meilleure période de la revue, ce deuxième volume n'est finalement pas si différent du premier : les nouvelles, qui s'inscrivent dans un genre dont l'unité est toujours aussi difficile à définir, restent assez classiques et calibrées, et les Howard ou les Smith continuent à y briller par leur style. Comment se fait-il alors que la différence de maturité annoncée ne soit pas frappante, que l'écart qualitatif ne soit pas plus notable ou que ce volume ne se distingue tout simplement pas davantage du précédent ? La raison trouve sans doute son origine dans un détail apporté par Jacques Sadoul dans sa préface : certains des textes publiés à cette époque et qui auraient mérité d'apparaître au sommaire de ce volume figurent déjà dans d'autres recueils, ici ou là, et ne sont pas libres de droit. Par conséquent, cette sélection des meilleurs récits de la revue en regroupe en fait les meilleurs récits disponibles. Nuance... Pour autant, c'est un bon recueil. Voyons maintenant ce que donne le troisième et dernier volume, qui couvre les années 1938/42.



Et pour en savoir plus sur les autres titres de la collection,
cliquez sur le bandeau.

mercredi 15 février 2023

Masako Togawa - Le passe-partout

Masako Togawa

Le passe-partout

Ed. Denoël 


Masako Togawa Le passe-partout Denoël
Nous sommes dans les années soixante à Tokyo. La résidence K, réservée au femmes, est un bâtiment anonyme, calme, composé de cent-cinquante appartements - autant de serrures, autant de clés et un passe-partout conservé par la gardienne, dans sa loge. Comme partout ailleurs, chaque résidente a son passé, ses souvenirs, ses secrets, avouables ou non, sagement gardés derrière sa porte. Mais, alors que la perspective d'importants travaux accapare l'attention de chacune, le fameux passe-partout disparaît de son emplacement habituel...

Cas d'école du MacGuffin, Le passe-partout est un roman noir publié par une femme dont j'ignorais l'existence il y a peu et qui semble pourtant, au-delà de sa notoriété comme écrivaine, reconnue comme chanteuse, actrice et figure du féminisme. Elle a publié plusieurs livres, dont celui-ci, son premier, traduit en français une soixantaine d'années après sa parution au Japon et annoncé comme "une pépite pleine de tension dans un atmosphère à la sauce tokyoïte" - annoncé et donc logiquement attendu comme tel. Mais je dois avouer que je suis resté sur ma faim. En effet, la tension est très, très relative - il y a comme du mou dans cette corde supposément tendue. De fait, la trame est plus lente que paranoïaque et les révélations tombent au ralenti, indolentes et étouffées. J'ai fini par m'endormir sur cette histoire de clé qui peut supposément ouvrir toutes les serrures. Et pour cause, elle n'est pas venue à bout de celle qui cadenasse mon attention.

mardi 14 février 2023

San-Antonio, l'année 1974

Le milieu des années 70 marque une charnière dans le parcours du commissaire et dans l'histoire de ses publications. Béru, qui a pris beaucoup d'importance depuis quelques épisodes, partage maintenant presque équitablement l'affiche avec San-A. Dorénavant, libération sexuelle oblige, ses frasques remplissent les pages des romans et la dérision prend de plus en plus le pas sur l'intrigue. Toutefois, cette période voit paraître certains des épisodes les plus drôles de la série et l'auteur n'est pas encore tombé dans la facilité à laquelle il cèdera bientôt. Il y a encore, au milieu des scènes gaudriolesques, de la subtilité, une certaine finesse, de la suggestion ainsi qu'un regard très ironique teinté de pessimisme posé sur la société.
 
L'année 1974 voit paraître les cinq épisodes suivants.

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San-Antonio  Un os dans la noce Ed. Fleuve Noir
San-Antonio 

Un os dans la noce

Ed. Fleuve Noir 

 
Vous vous souvenez de Zoé Robinsoncru, cette souris rencontrée dans J'ai essayé : on peut ! et que San-A avait promis d'épouser ? Figurez-vous qu'il va s'la marier pour de vrai ! Tout le monde est là, sur son 31, Béru, Pinaud, Félicie, tout le monde ! Et au milieu de ce tout-le-monde, dans l'agitation, quelqu'un glisse dans la pogne du commissaire une feuille de papier. Il est noté dessus que s'il répond "oui" à la question du maire, une bombe explosera... 

À croire que le destin lui-même est opposé au mariage du meilleur flic du pays ! Mais d'ailleurs, est-ce vraiment lui qui est visé par la bombe ? Si c'est la première question qu'il se pose, ce n'est pas la dernière à laquelle il devra répondre... Le voilà parti sur un long chemin en solitaire, ponctué de traquenards, de cadavres, et parsemé d'inventions langagières dont il a le secret...
"Écoute, Julot : je viens de potasser le Robert pour chercher des synonymes à "sidérer". J'ai trouvé qu'"abasourdir" et "stupéfier", ce qui est d'une faiblesse crasse pour exprimer l'intensité de ce que j'éprouve. C'est de la liqueur de vocabulaire, ça. Du sirop de syllabe. Me faut donc inventer un terme susceptible de m'assouvir la sidérante et abasourdissante stupeur. Ce que je suis, à cet instant ? Eh ben, tiens, je suis "craouchte". T'entends, Dunœud ? "Craouchte".
Et je pèse mes mots."
 
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San-Antonio Les prédictions de Nostrabérus Fleuve Noir
San-Antonio

Les prédictions de Nostrabérus

Ed. Fleuve Noir 

 
Je vous parlais plus haut d'intrigues qui s'effacent occasionnellement derrière les délires en roue libre d'un romancier sans complexe ? En voici un exemple parfait ! L'enquête est ici clairement un prétexte pour enchaîner des scènes cocasses qui semblent tomber de nulle part et ne tenir debout que grâce à l'aplomb de l'auteur. D'ailleurs, l'enquête en question tient en quelques lignes : comme San-A est chargé de retrouver un assassin en liberté en Suède et qu'il sait de source sûre que ce dernier est adepte de sciences occultes, il jette Béru comme appât, déguisé en voyant extralucide.

Les scènes durant lesquelles le Maousse devine l'avenir de bourgeoises en fourrures justifieraient à elles-seules l'attribution du prix Nobel à l'auteur, s'il ne lui avait déjà été refilé. En effet, son sens de l'autodérision n'ayant d’égal que sa fausse modestie, c'est à l'origine pour y recevoir le fameux prix que San-Antonio est à Stockholm. Et c'est lors de la soirée organisée en son honneur qu'un membre du jury lui glisse cette histoire d'assassin en fuite. Cela dit, le lecteur est plus tenté de noter le goût alimentaire de ce dernier que la mission en question : le type est scatophage. Vous avez bien lu. Il se nourrit exclusivement d’excréments. La visite de sa chierie privée est d'ailleurs un régal de lecture ! Du moniteur de chiasse aux cours de défécation en passant par les chieurs triés sur le volet, nourris selon un régime très étudiés et qui se soulagent dans des réceptacles en pyrex, il y a de quoi faire chez "le Christophe Côlon des latrines" ! Pour le plus grand plaisir des amateurs. Béru, curieux, se laisse même tenter.
"Ecoutez, m'sieur Mal-à-l'estom', déclare l'oracle, de vouze à moi, ça ne vaudra jamais une perdrix aux choux ou des quenelles Nantua, mais je reconnais qu'a un certain quéqu'chose. La subtilité, c'est dans l'arrière-goût qu'é s'loge. Je serai sûrement jamais fana, pourtant, je préférerais me convertir à c'te popote-là que de sombrer végétarien."
Scatophagie, prédictions, parties de jambe en l'air, distribution de bourre-pifs et tirades alexandrines, l'auteur ne se refuse rien !
 
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San-Antonio Mets ton doigt où j'ai mon doigt Fleuve Noir
San-Antonio

Mets ton doigt où j'ai mon doigt

Ed. Fleuve Noir

 
Après la délirade totale de l'épisode précédant, cet épisode semble bien classique - mais n'en est pas moins bon pour autant. Il s'ouvre sur une conversation anodine entre le commissaire et l'un de ses vieux amis, conversation qui mènera à l'arrestation d'un photographe, amateur de nus et de moyens de pression. L'interrogatoire, musclé, est l'occasion pour l'auteur de s'interroger sur les violences policières et sur l'opinion que la population peut se faire des méthodes de la maison poulaga. Il se penchera ensuite sur d'autres sujets de société qu'il est intéressant de lire à la lumière de notre époque, notamment ses considérations sur la retraite à soixante ans...

Bref, menée conjointement avec Béru et Pinuche, l'intrigue est assez politique, plutôt bien ficelée, pleine de rebondissements et ponctuée de quelques scènes coquines.
"Une fois on the bed, j'opère la fabioulouse véry well séance pour dame désespérée. Celle qui comprend la respiration sous-cutanée, hydroglisseur à ogive chercheuse, le compresseur moustachu, la lune de miel, l'ours mal léché, le potentat variable, le complément d'information, le médius musardeur, l'emporte-pièce, le coolie déballé, la pieuvre en folie et le déménageur folâtre."
 Du classique, quoi.
 
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San-Antonio Si Signore ! Fleuve Noir
San-Antonio 

Si Signore !

Ed. Fleuve Noir

 
Je ne sais pas si c'est la Sicile qui ne stimule pas particulièrement San-Antonio mais le roman qu'il y fait se dérouler ne restera pas dans les annales. Très classique et peu inspiré, l'auteur ne se foule pas beaucoup : le commissaire part pour la plus grande île de la mer Méditerranée, accompagné d'un Béru presque absent, si ce n'est lors d'une scène finale où il est le cobaye d'une expérience scientifique insensée visant à le transformer en cochon et durant laquelle, nu comme au premier jour, il se dispute les faveurs d'une truie contre un énorme porc. Brefle, s'ils sont venus là, c'est pour y récupérer une valise volée à un barbouze. Mais, entre mafieux, espions, agents doubles, voire triples, le meilleur flic de France va devoir faire du tri...
"On tue beaucoup dans cette affaire, sans hésiter, en série. On tue parce que tous les protagonistes ont le souci d'effacer les traces de l'opération, qu'ils appartiennent à un bord ou à un autre. N'importe le clan, il faut laisser place nette."
Un épisode pas vraiment indispensable, même s'il fait vaguement son office.

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San-Antonio Maman, les petits bateaux Fleuve Noir
San-Antonio 

Maman, les petits bateaux

Ed. Fleuve Noir

 
Oubliez tout ce que je vous ai dit sur San-Antonio et la Sicile, le manque d'inspiration de Si Signore ! doit venir d'autre chose. D'où, je ne sais pas, mais clairement pas de cette île située au large de la pointe de la botte italienne. Pour preuve, cet épisode y démarre sur les chapeaux de roue : le commissaire, en parfait touriste à Palerme, part pour un tour de la ville en calèche. Il y fait la connaissance d'une allemande et échappe à ses côtés à un attentat. Les émotions fortes créant du lien, il suit la jeune femme sur le bateau qui lui faisait faire escale en Italie. C'est là que le lecteur réalise, alors que San-A y retrouve un Béru incognito, que cette rencontre était planifiée et l'embarquement également. Les deux policiers sont à bord pour suivre la touriste allemande et son mari. Mais ils ignorent alors qu'ils vont devoir s'investir dans une seconde mission : des terroristes menacent de faire exploser le navire.
 
Des considérations sur les relations franco-germaniques à celles sur les vacanciers en paquebots, San-Antonio parsème son roman des réflexions acerbes auxquelles il nous a habituées sur une société qui lui inspire autant de sarcasme que d'ironie. Ajoutez à cela une belle collection de conquêtes, les hilarants troubles gastriques de l'inspecteur en charge de la sécurité à bord, des macchabées, des explosions, des bastons ainsi que des figures de style et une bonne dose d'auto-dérision, alors tout est réuni pour faire de ce roman un excellent épisode des aventures du commissaire.
"Là-dessus, il se renquille la bouffarde entre les croqueuses et laisse flotter son amertume sur l'eau fangeuse de nos méditations, comme n'aurait pas manqué de l'écrire Chateaubriand."
 
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Après un certain ventre mou, l'année 1974 se termine heureusement aussi bien qu'elle a commencé. Ceci dit, même les épisodes les moins emblématiques, dont le principal défaut est de respirer la désinvolture et d'exploiter une zone de confort, restent plaisants à lire, drôles, bien construits, et mettent en scène des protagonistes toujours aussi fringants et entourés de personnages secondaires improbables et truculents. Ce constat sur l'irrégularité des épisodes laisse toutefois craindre la suite : dans un flot soutenu de publications, on commence à distinguer une alternance de très bons épisodes et d'autres plus anecdotiques. Reste à espérer que les premiers continueront à être plus fréquents que les seconds...


 
Et pour suivre l'avancée de ma lecture complète des aventures du commissaire San-Antonio, cliquez sur le sourire de l'auteur !

lundi 13 février 2023

Stephen King - Terres perdues

Stephen King Terres perdues La Tour Sombre J'ai lu
Stephen King 

Terres perdues (La Tour Sombre - III)

Ed. J'ai lu

 
Depuis que, derrière l'ultime porte des Trois cartes, le Pistolero a empêché Mort de tuer Jake, le garçon vit deux réalités à la fois, celle de New York et celle dans laquelle Roland chemine vers la Tour Sombre en compagnie d'Eddie et Susannah. Je ne vous refais pas tout le déroulé des évènements qui amènent Jake à rejoindre ses compagnons de route, d'autant plus que le récit comporte quelques longueurs ainsi même qu'une scène assez... surprenante... durant laquelle Susannah distrait un démon en l'aguichant et dont je ne me risque pas à extraite la substance en quelques phrases. Bref, si vous voulez en connaître les détails, lisez le livre ! Sinon, sachez juste qu'il utilise une clé, franchit une porte et retrouve le groupe d'individus auquel il est lié par le destin, son ka-tet
 
Après de nombreuses péripéties, dont l'enlèvement de Jake par un étrange personnage pour le compte de l'Homme Tic-Tac et sa délivrance par Roland, le groupe au complet, accompagné d'un animal malin et loyal nommé Ote, monte à bord d'un monorail doté d'une intelligence artificielle mais dont la raison a cédé en même temps que certains de ses systèmes. Lancé à pleine vitesse, Blaine, c'est le nom du train, annonce à ses passagers que leur survie dépendra d'une épreuve à laquelle il les soumet. C'est sur cette accroche que se termine l'épisode...
 
La train et ses devinettes sont assez fidèles à mon souvenir. Durant ma lecture de la scène du passage de Jake d'un monde à l'autre ou encore de celle de la confrontation avec l'Homme Tic-Tac, qui sont des épisodes marquants, bien fichus, et qui font à la fois avancer l'intrigue et creusent la personnalité des protagonistes, je me suis interrogé sur le fait d'avoir gardé en mémoire la scène finale plutôt que certaines des précédentes. C'est en refermant ce troisième volume que j'ai réalisé l'évidence : la réponse est dans la question. C'est la scène finale ! En effet, je suis resté sur cette accroche tout ce temps et c'est maintenant seulement, trente ans plus tard, que je vais en connaître la suite - et, à terme, la chute !

C'est le moment d'avancer vers l'inconnu, d'entamer Magie et Cristal.

mercredi 8 février 2023

Max Brooks - World War Z

Max Brooks 

World War Z 

Ed. Audiolib 


Vous vous souvenez du Covid (sic) ? Vous vous en souvenez ? Moi, pas tant que ça. Du moins, c'est ce que je croyais. Puis je me suis rendu compte, à l'écoute de World War Z, à quel point cette période avait conditionné ma conception de la politique sanitaire ou encore orienté celle de ma perception de la gestion de crise à l'échelle internationale. Ce qui fait que - même si c'est impossible à vérifier - je suis convaincu que, si j'avais lu - ou écouté - le livre de Max Brooks avant l'époque Covid, je n'en aurais pas fait la même expérience. Alors, je l'aurais sans doute envisagé comme une simple variation supplémentaire sur le thème post-apocalyptique, un roman de fin du monde aussi malin et érudit que crédible, certes, mais surtout hautement improbable en ce qui concerne les incapacités de nos gouvernements et les incertitudes de nos contemporains. La récente pandémie a donné raison à Max Brooks quant à l'inefficacité des uns et la tendance à l'opportunisme des autres.

Max Brooks World War Z Audiolib
Sous-titré "une histoire orale de la guerre des zombies", World War Z rassemble les retranscriptions d'une sélection d'interviews menées par un agent de la commission Post-Traumatique de l'ONU, dans le cadre d'un état des lieux au lendemain d'une épidémie de morts-vivants. Il y a bien quelques (rares) scènes un peu crades de membres arrachés, de fractures ouvertes, de sang qui gicle et de cervelles qui coulent, mais les témoignages ont moins pour but d'offrir les descriptions graphiques propres au registre que de dresser les contours d'une crise sans précédent et d'étudier, à travers les comportements de citoyens, de militaires, de journalistes, de religieux, de politiques, de médecins, les conséquences d'un tel évènement sur une population loin d'y être préparée. 
 
Le livre de Max Brooks est troublant de sérieux et de réalisme, autant dans sa langue - et ici dans son interprétation - que dans son ton et ses propos, à tel point que je me suis interrogé durant mon audio-lecture sur la portée métaphorique d'une épidémie aussi absurde que celle de zombies. En effet, comment ne pas imaginer qu'un livre à ce point fin dans son analyse et ses interrogations, qui pousse si loin son examen de la société ou de la politique, qui va jusque dans le détail de tous les domaines qu'il explore, puisse ne pas dissimuler un sujet moins futile derrière celui qu'il affiche ? J'ai donc décidé de l'observer sous un autre angle, de gratter le vernis, et j'en suis arrivé à élaborer la théorie suivante : les zombies sont sortis de nulle part, arrivent en masse, perturbent l'ordre établi, sont incompréhensibles, ont aboli les différences, annihilent les boomers et leurs enfants... World War Z... Le "Z" tient-il vraiment pour zombies ? Ne pourrait-il pas plutôt s'agir de... la génération Z - ces jeunes gens nés durant la première décade du vingt-et-unième siècle, avec lesquels les vieux ont peine à communiquer et ne partagent plus de références communes, puis qui les remplaceront bon gré mal gré ? Hein ? Non ? Non... soyons sérieux... j'ai bien aimé cette idée mais je ne vais pas essayer de vous la vendre outre mesure. Je n'y ai pas cru moi-même bien longtemps. Le sous-titre du roman est éloquent, l'hommage à George Romero en fin de volume également, World War Z est bel et bien une histoire de zombies. Mais une excellente histoire de zombies ! 

dimanche 5 février 2023

David Morrell - Premier sang

David Morrell 

Premier sang 

Ed. Gallmeister 


Publié aux États-Unis en 1972, le roman de David Morrell est plus connu sous le titre de son adaptation cinématographique, Rambo. Vous en connaissez sans doute le sujet mais je vais tout de même en rappeler les grandes lignes pour les deux du fond, là-bas.
 
David Morrell Premier sang Gallmeister rambo
Rambo, "le gamin", comme on l'appelle tout au long du livre, est un marginal barbu aux cheveux longs qui vagabonde, son sac de couchage roulé à l'épaule. Il est appréhendé par Teasle, un shérif de province, apparemment sans raison, et déposé à la sortie de la ville. Mais il revient. Une fois, puis deux. La troisième, il termine au poste. Brutalisé, il s'échappe, non sans avoir éventré l'un des hommes présents. Ce sera le premier mort d'une longue série. Car "le gamin", traqué dans la montagne et replongé dans ses souvenirs de la guerre du Vietnam et dans les tortures qu'il y a subies, va mettre à profit son expérience et ses compétences pour éliminer les uns après les autres tous les hommes à sa poursuite. C'est alors qu'arrive le colonel Trautman, son supérieur, son formateur...

Tout a déjà été écrit sur le syndrome post-traumatique des vétérans, sur les difficultés d'anciens soldats hantés par leur passé et aigris par l'indifférence à se réinsérer dans la société, ainsi que sur le manque de reconnaissance d'un pays qui n'a pas hésité à sacrifier ses hommes avant de les considérer comme des charges. Je ne suis pas sûr qu'une nouvelle tartine sur le sujet soit utile ou pertinente. De plus, je me demande si le véritable sujet du roman ne pourrait pas être ailleurs. Ailleurs que dans le Vietnam et ailleurs que dans le rapport au père, évident, entre "le gamin" et Teasle ou, plus évident encore, entre Trautman et Rambo. Non. Je vous parle d'une réflexion sur le luddisme dans les arts de la guerre.
"Je déteste la guerre, mais je crains encore plus le jour où les machines remplaceront les hommes."
Cette citation, que l'auteur fait prononcer à Trautman, résume à elle-seule le vrai propos du roman. Rambo n'est pas juste un soldat traumatisé. Il est, avec son supérieur et ses quelques semblables, l'un des derniers représentants de son espèce, inadapté à une société qui évolue sans eux. Impuissant et perplexe, le colonel regarde la technologie remiser les armes telles que lui au placard. Car, pour ce dernier, l'ennemi, le vrai, c'est la technologie. Et si, dans une guerre, il n'y a jamais de vainqueurs, les vrais perdants seront les Rambo et les Trautman, qui n'auront plus que leur "Medal of Honor" pour briller et qui, un jour, verront des geeks piloter leurs drones de combat depuis des bureaux climatisés, un café à la main. Les soldats comme "le gamin", qui ne sont jamais aussi dangereux qu'armés d'un couteau et le corps dissimulé sous la boue, eux, sont guettés par l'extermination. La citation ci-dessus est, sans surprise, ponctuée de la pensée fataliste - et discutable - suivante.
"C'est la fin d'une époque. Dommage."

mercredi 1 février 2023

Léo Henry - Héctor

Léo Henry Héctor Rivages
Léo Henry 

Héctor 

Ed. Rivages 

 
Il y a des romans qui se méritent. Héctor de Léo Henry en est. Pourtant, croyez-le, expérimental ou grand public, original ou énigmatique, s'il est relativement imprévisible, l'auteur de L'autre côté n'est pas toujours difficile d'accès. D'ailleurs, la garantie de l'inattendu qui accompagne chacune de ses publications contribue à son charme. Du charme, il en a - et son dernier ouvrage est à son image.

Fort d'une bourse et d'un projet ambitieux, le romancier s'envole pour Buenos Aires, sur les traces d'Héctor Germán Oesterheld, scénariste de bandes-dessinées et militant de la gauche peroniste, victime de la dictature militaire de Videla. Là, dormeur éveillé, il déambule en un temps incertain, au risque d'égarer son lecteur dans le damier tracé par un urbaniste austère. La réalité rigoureuse laisse alors doucement place à un fantasme dystopique et le fil rouge s'estompe, malgré le lien persistant entre le gaufrier de la ville et celui des BD du créateur de L’Éternaute. Vers quels horizons alors s'oriente le roman ? L'histoire de la ville, sa substance et sa politique ? Les créateurs argentins, Borges, Quino et Pratt en chefs de file, et l'influence qu'ils ont eue sur le reste du globe - et sur Léo Henry lui-même ? Tout cela sans doute.
"Ce livre est une tentative de regarder ce qui s'est joué en ce temps et en ce lieu, à la rencontre du réel, du rêve et du récit."
Entre les descriptions de Buenos Aires et sa superposition avec la ville fictive d'Aquilea, la tenue d'un journal de voyage et des étapes d'une importante documentation, le projet d'élucider le péronisme ou d'apporter un éclaircissement sur le destin d'Oesterheld, il n'est pas simple de savoir sous quel angle observer ce livre. C'est en cela qu'il se mérite. Mais, pour qui se laisse embarquer, c'est le dépaysement assuré !